Les féminisations, encore

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Jacques
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Les féminisations, encore

Message par Jacques »

Je crois que c’est André, Georges, Raymond qui nous a fait part de son choix pour la féminisation en -eure des mots qui ont leur masculin en -eur.
Comme je le lui ai répondu, au nom de la tolérance que je prêche depuis la création du forum, je m’interdis de porter un jugement sur une option qui ne correspond pas à la mienne. Nous sommes sur un lieu virtuel de discussion, d’échanges, et la critique négative n’y est pas la bienvenue.
Cependant je m’interroge, et j’aimerais comprendre les raisons de cette préférence, de la part de quelqu’un qui est averti en ce qui concerne les emplois de la langue.
La prescription émane de l’Office québécois de la langue française. Cet organisme a été fondé afin de protéger le français contre l’invasion d’anglicismes. Son rôle est donc d’inventer des mots français pour chaque terme anglais qui tente de s’imposer sur le territoire francophone d’Amérique du nord. Mais il a décidé d’étendre ses prérogatives en se faisant le concurrent direct de l’Académie française, en réglementant l’usage de la langue, parfois comme c’est le cas ici en prenant une position opposée ou contradictoire. Il y a même une certaine arrogance, pour ne pas dire de la provocation, quand il se félicite sur son site d’Internet de l’adoption de ses décisions par des francophones européens, contre l’avis de l’Académie ou du Conseil supérieur de la langue française.
Je comprends que, devant le vide grammatical, certains aient envie de combler une lacune en parlant d’une procureure ou d’une proviseure, mais pourquoi une auteure et une amateure alors que la règle préconise autrice et amatrice ? J'ai même vu un jour une moniteure !
Le prétendu souci d’égalité entre les sexes qui pousse à une féminisation effrénée est un argument non fondé : de toutes les femmes que je connais, à commencer par la mienne, et en continuant avec celles de l’association Défense de la langue française, il n’y en a pas une seule qui soit d’accord avec ces féminisations à marche forcée qui touchent souvent à l’absurde.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
jarnicoton
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Message par jarnicoton »

Je ne vois pas où est l'égalité des sexes lorsque la féminisation forme des mots plus longs !


http://66.46.185.83/liensutiles/index.a ... E9pic%E8ne
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je l'avais déjà expliqué : j'ai entendu pendant la totalité de ma carrière les élèves dire "la prof" pour parler d'un professeur femme. J'employais moi-même ce mot quand j'étais étudiant et je l'utilise parfois encore aujourd'hui. Traditionnellement "professeur" était pourtant épicène (comme recrue, éléphant, girafe, épinoche et bien d'autres noms d'un seul genre se référant à des personnes ou à des animaux des deux sexes). Des élèves à qui nous les enseignants faisions remarquer que "la prof" était un peu familier et la "professeuse" (authentique !) incorrect, nous mettaient dans l'embarras à nous questionner sur la forme correcte... jusqu'à ce que je me disse que la société avait évolué et que les épicènes en -eur avaient été créés à une époque où, par exemple, les enseignants n'étaient guère que des hommes. Est-ce que l'idée m'est d'abord venue de militer pour "professeure" ? Est-ce que j'ai commencé par le rencontrer dans un texte ? Je n'en sais plus rien, cela remonte sans doute à une bonne quinzaine d'années. Une chose est certaine, mon choix n'avait rien à voir avec une quelconque prescription de l'Office québécois de la langue française. Je ne suis par ailleurs militant d'aucun mouvement féministe.
J'ai déjà eu également l'occasion de préciser que mon choix concerne exclusivement les épicènes et que je désapprouve avec la plus grande conviction la féminisation en -e des substantifs non épicènes comme instituteur, moniteur... dont les féminins en -trice sont couramment employés depuis des lustres.
Je ne tire pas argument de ce qui suit. Cependant, lors de la dernière discussion sur ce sujet, je n'avais pas eu la curiosité de consulter mes Larousse. Celui de 1996 ne connaît que le nom masculin "professeur", celui de 2008 a modifié l'entrée :

PROFESSEUR, E (lat. professor)...

L'évolution de ce dictionnaire a été la même pour "auteur".
Mon activité de donneur de voix m'amène fréquemment à utiliser "auteure", avec une légère mauvaise conscience depuis que j'ai appris ici que pourrait avoir existé jadis "autrice" !
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne me rappelle pas que vous ayez développé cet historique de votre parcours personnel, que je découvre à l'instant. J'ai manqué quelque chose à la faveur d'une interruption de connexion avec mon ancien fournisseur d'accès ou, peut-être, d'une panne m'ayant privé de mon ordinateur, ce qui s'est plusieurs fois produit au cours des deux dernières années.
Je m'étonne que vous parliez d'épicène, ainsi défini par l'Académie : Qui désigne indifféremment le mâle ou la femelle d'une espèce. Les mots « souris », « crabe », « hirondelle » sont des noms épicènes. 2. Qui peut être utilisé à l'un ou l'autre genre sans variation de forme. « Élève » est un nom épicène, « je », un pronom épicène, « agréable », un adjectif épicène. « Claude » est un prénom épicène.
Selon moi professeur est masculin et s'applique aux deux genres faute de féminin homologué, et faute de l'existence d'un genre neutre en français.
Je n'ai pas connaissance d'une existence antérieure d'autrice, mais la règle est que les noms de fonctions en -teur se féminisent toujours en -trice, en quoi Larousse se rend coupable de contravention envers cette règle établie en préconisant auteure.
Il n'en reste pas moins vrai que de nombreux francophones européens préfèrent se rallier aux décisions de l'Office québécois plutôt qu'aux recommandations du Conseil supérieur de la langue française.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Dans le sens où j'entends "épicène", il est sans doute réservé aux animaux.
Mais le problème reste : que faire des noms uniquement masculins en -eur quand ils désignent des fonctions ou des métiers occupés par des femmes ? On entend tous les jours "une professeur", "une auteur"... ! Gardons-nous l'orthographe du masculin ou tirons-nous la conséquence de l'emploi de l'article féminin ? Vous parlez, Jacques, d'un défaut de féminin homologué, c'est bien de cela qu'il s'agit. Accepter une évolution vers un féminin en -e, uniquement dans les cas que j'ai mentionnés, ne me paraît pas grave. Mais j'ai déjà eu l'occasion de dire que, comme vous, je ne me sentais nullement déshonoré à constater que l'on ne partage pas mon point de vue en l'affaire !
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Jacques
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Message par Jacques »

L'argument de féminisation en -eure ne peut pas être rejeté, parce qu'il n'est pas grammaticalement contestable. L'hésitation vient de ce que nous n'y avons pas été formés. Pour le moment, l'Académie ne le reconnaît que pour majeur, mineur, inférieur, supérieur et prieure.
L'apprentissage scolaire avait quelque chose d'absolu, de péremptoire dont on ne pouvait pas s'écarter sous peine de sanctions. Nous avons été « dressés » à des pratiques qui ne se discutaient pas. Il est logique qu'elles soient aujourd'hui remises en question, d'autant plus qu'il n'existe pas d'argument pour les réfuter. C'est la raison qui me le dit. Mais les pratiques imposées et enracinées ne me permettront jamais de franchir le pas.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit :Je n'ai pas connaissance d'une existence antérieure d'autrice, mais la règle est que les noms de fonctions en -teur se féminisent toujours en -trice, en quoi Larousse se rend coupable de contravention envers cette règle établie en préconisant auteure.
Lors d'une précédente discussion sur les féminisations, quelqu'un n'avait-il pas évoqué cette vieille "autrice" ?! Je n'en suis plus certain. Je trouverais à vrai dire plus satisfaisant que le mot n'ait jamais existé.
Mettre "auteur" sur le même plan que "moniteur", "lecteur", "instituteur"... m'a toujours un peu gêné, mais l'affaire est compliquée. Moniteur, lecteur et instituteur remontent à des verbes latins "moneo", "redigo" et "instituo" (Gaffiot), dont les factitifs sont "monitor", "lector" et "institutor". "Auteur" vient du verbe "augeo", avec "auctor" pour factitif. Donc on est passé par une légère modification du radical d'une part et, à la différence de la majorité des factitifs d'autre part, le français ne l'aurait jamais féminisé. Peut-être Larousse se croit-il ainsi autorisé à procéder comme pour "professeur". Surtout, comme je le disais ci-dessus, il rend compte d'un usage ! Contre lequel je comprends parfaitement que l'on s'élève.
Sur un autre fil — mais était-ce sur ce forum ? — on a été amené récemment à traduire l'anglais "defender" par "défenseur" : il s'agissait d'une femme, logique avec moi-même j'ai proposé aussi "défenseure", que le Larousse de 2008 ne reconnaît pas !
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Jacques
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Message par Jacques »

À vrai dire, auteur est un cas embarrassant. Selon Girodet il n'existe pas de forme féminine. Ce qui nous renvoie au dilemme d'autrice ; on ne sait pourquoi, cette forme a l'air d'être incongrue, d'autre part auteure viole la règle des noms de fonctions en -teur qui doivent se féminiser en -trice.
Pour Girodet et bien d'autres, dont Hanse, il faut garder le masculin et dire éventuellement femme auteur. Hanse ajoute qu'on doit rejeter autrice et autoresse. Celui-là, c'est une nouveauté ! Le Larousse des difficultés préconise aussi le masculin et, en cas d'ambigüité, auteur femme. Il signale qu'auteure est courant au Québec (sous l'impulsion de l'Office québécois, ce qu'il ne dit pas).
Ce qui vaut pour auteur ne s'applique pas à amateur, qui commence à se féminiser en amatrice, mot qui avait été utilisé par J.-J. Rousseau et saint François, puis était retombé dans l'oubli.
Le dilemme se pose encore pour écrivain : on parle d'hésitations entre écrivaine et écrivaigne. Là encore certains tranchent en faveur de femme écrivain.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit : écrivaigne
Oh !
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Jacques
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Message par Jacques »

André (Georges, Raymond) a écrit :
Jacques a écrit : écrivaigne
Oh !
Je partage votre réprobation.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Parce que cela a trop l'air d'un nom de fruit de mer...
Quantum mutatus ab illo
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit : Là encore certains tranchent en faveur de femme écrivain.
Sans aucun doute la solution la plus rigoureuse et la plus respectueuse de la langue.
Malheureusement, dans l'hypothèse de son acceptation exclusive, on est obligé, pour ne pas se contredire, de s'en tenir à "femme professeur", "femme auteur", "femme défenseur"... : autant de tournures dont l'utilisation risque fort de rester au stade de vœu pieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

La question se pose très rarement ; ces situations sont exceptionnelles, et la plupart du temps le contexte suffit : Marguerite Yourcenar, écrivain bien connu – la comtesse de Ségur, auteur des Petites filles modèles – le professeur de latin madame Levasseur – nous avons consulté le docteur Christine Chevallier – le défenseur était la fameuse avocate, maître Bourdet... sont autant de modes d'expression qui contournent la difficulté.
Remarquons qu'avocate, qui s'est bien imposé, ne se dit que dans le langage courant, et que la dame, dans l'exercice officiel de sa profession, est avocat. Mais ce n'est qu'une petite licence.
On ne dira pas j'ai consulté une femme avocat ou médecin, nous avons rencontré une femme professeur...
La règle voulait qu'un homme exerçant une profession libérale dise en parlant d'une femme mon confrère et non ma consœur, terme réservé entre femmes de ladite profession. L'habitude est en train de se perdre, le bon sens de l'usage populaire prend peu à peu le dessus.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
jarnicoton
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Message par jarnicoton »

Je crois qu'il faut en théorie dire "monsieur le président" à une présidente de tribunal. Prenez vos risques...

Quand ils sont cités à comparoir, les petits gars de la zone règlent la question à leur manière en parlant comme les feuilletons américains les ont éduqués : "Votre honneur"...!

Personnellement je ne féminise rien, ou à la rigueur si une confusion est à craindre : "madame le docteur Untel".
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Islwyn
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Message par Islwyn »

jarnicoton a écrit :Personnellement je ne féminise rien, ou à la rigueur si une confusion est à craindre : "madame le docteur Untel".
Si ce n'est pas « madame le docteur Unetelle ».
Quantum mutatus ab illo
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