À la toute fin
À la toute fin
Depuis ma plus tendre enfance, j'entends et utilise moi-même les expressions tout au début et tout à la fin. Lorsque, il y a déjà quelques années, j'entendis pour la première fois au tout début, je me suis interrogé, ne trouvant pas cela très heureux, sur l'intérêt qu'il pouvait y avoir à inverser deux mots qui ne demandaient rien à personne. J'ai tout de suite pensé qu'on n'oserait pas le faire avec la fin tellement la forme à la toute fin me paraissait ridicule. Qu'est-ce donc qu'une toute fin ? Et bien, vous l'avez entendu comme moi, non seulement ça se dit aujourd'hui, mais ça ne semble choquer personne. Aurais-je manqué un épisode dans l'évolution, voire l'origine de l'expression ? Serait-ce du vrai français ?
- Jacques
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Je n'ose pas qualifier ce que sont ces formules, il faut rester poli sur le forum. Cette manie fait partie de celles qui me mettent en rage.
Si on dit le tout début ou la toute fin, on emploie tout en fonction adverbiale. Un adverbe modifie un verbe, un adjectif ou un autre adverbe, mais jamais un nom. Le nom fin ne peut être modifié que par un adjectif. Et les professionnels qui bavent dans les micros de la télévision ne se privent malheureusement pas de cette faute très grossière.
Si on dit le tout début ou la toute fin, on emploie tout en fonction adverbiale. Un adverbe modifie un verbe, un adjectif ou un autre adverbe, mais jamais un nom. Le nom fin ne peut être modifié que par un adjectif. Et les professionnels qui bavent dans les micros de la télévision ne se privent malheureusement pas de cette faute très grossière.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Manni-Gédéon
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- Localisation : Genève (CH)
Peut-être parce que ça leur fait très plaisir...Jacques a écrit : Et les professionnels qui bavent dans les micros de la télévision ne se privent malheureusement pas de cette faute très grossière.
![[clin d'oeil] :wink:](./images/smilies/icon_wink.gif)
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
Gandhi, La Jeune Inde
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Petit clin d'œil malicieux, mais figurez-vous qu'il y a du nouveau de ce côté. Les linguistes, grammairiens et autres spécialistes modernes de la langue estiment qu'il n'y a pas faute dans ce cas, car ce n'est pas le substantif plaisir qui serait visé par l'adverbe très, mais la locution verbale « faire plaisir ». Il n'y a d'ailleurs pas que très qui soit en cause : on peut tout aussi bien dire que cela fait particulièrement ou sérieusement plaisir, qu'on a énormément faim ou soif, ou terriblement peur, et ainsi de suite. La situation est toujours grammaticalement identique, et le raisonnement s'applique toujours à ces locutions verbales. Nous voilà donc amnistiés de nos prétendues fautes et bénéficiaires d'un non-lieu.Manni-Gédéon a écrit :Peut-être parce que ça leur fait très plaisir...Jacques a écrit : Et les professionnels qui bavent dans les micros de la télévision ne se privent malheureusement pas de cette faute très grossière.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
L'affaire me paraît claire pour « à la toute fin » et « au tout début », où l'on transforme malencontreusement et inutilement un adverbe en adjectif.
L'acceptation de « faire très plaisir » pourrait me réjouir, du fait qu'on la justifie par la prise en compte d'un groupe verbal (faire plaisir).
Mais l'adverbe « très » placé devant « plaisir » continue de me gêner. D'ailleurs je me demande si le parallèle entre « faire très plaisir » et « faire particulièrement plaisir » ne démontre pas précisément l'anomalie du premier : « Cela m'a fait plaisir particulièrement », bien que peu heureux, est possible, tandis que « Cela m'a fait plaisir très » est inimaginable : « très » est destiné à marquer l'intensité du sens de l'adjectif ou de l'adverbe qui le suivent. « Avoir très froid », « sentir très mauvais » ne nous choquent pas, parce que « froid » et « mauvais » n'y sont pas ressentis comme des noms. Si l’on considère a contrario les expressions « savoir gré », « faire florès », « faire tort », « avoir tort », « avoir raison », « faire tache d’huile », « prendre en compte »…, on ne peut guère imaginer, pour certaines, pas le moins du monde, pour d’autres, de les intensifier en utilisant « très ».
L'acceptation de « faire très plaisir » pourrait me réjouir, du fait qu'on la justifie par la prise en compte d'un groupe verbal (faire plaisir).
Mais l'adverbe « très » placé devant « plaisir » continue de me gêner. D'ailleurs je me demande si le parallèle entre « faire très plaisir » et « faire particulièrement plaisir » ne démontre pas précisément l'anomalie du premier : « Cela m'a fait plaisir particulièrement », bien que peu heureux, est possible, tandis que « Cela m'a fait plaisir très » est inimaginable : « très » est destiné à marquer l'intensité du sens de l'adjectif ou de l'adverbe qui le suivent. « Avoir très froid », « sentir très mauvais » ne nous choquent pas, parce que « froid » et « mauvais » n'y sont pas ressentis comme des noms. Si l’on considère a contrario les expressions « savoir gré », « faire florès », « faire tort », « avoir tort », « avoir raison », « faire tache d’huile », « prendre en compte »…, on ne peut guère imaginer, pour certaines, pas le moins du monde, pour d’autres, de les intensifier en utilisant « très ».
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Moi aussi, cela sonne mal et sent le français négligé. Je dis toujours « Cela me fait grand plaisir ». En revanche, avoir très mal passe mieux. C'est peut-être une question de verbe, entre faire et avoir. De toute façon, l'emploi de très ne doit pas être systématique, même s'il n'est plus jugé comme fautif à la cause de la petite astuce de la locution verbale. Avoir très faim ou très soif manquent aussi d'élégance. Je crois que bien des gens, une fois encore, et par paresse, se servent abusivement de cet adverbe qui devient un passe-partout.André (G., R.) a écrit :Mais l'adverbe « très » placé devant « plaisir » continue de me gêner.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Cette meilleure acceptation tient sans doute aussi (surtout ?) au fait que "mal" n'est pas que nom, mais également adverbe : on est habitué à entendre "C'est très mal fait", "Tu m'as très mal écouté"...Jacques a écrit : En revanche, avoir très mal passe mieux. C'est peut-être une question de verbe, entre faire et avoir
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Re: À la toute fin
Je soupçonne fort une influence de l'expression "à toutes fins utiles". Je me demande d'ailleurs, sans rapport avec le présent sujet, si cette dernière est acceptable au singulier : "à toute fin utile".Koutan a écrit : J'ai tout de suite pensé qu'on n'oserait pas le faire avec la fin tellement la forme à la toute fin me paraissait ridicule. Qu'est-ce donc qu'une toute fin ?
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
- Ernest de la Coquecigrue
- Messages : 135
- Inscription : mer. 30 oct. 2013, 11:57
Je pense que les résultats sont faussés par le comportement de Google qui consiste, par défaut, à « élargir » la recherche aux formes fléchies (y compris les pluriels), voire à modifier l'ordre des termes. Si l'on observe les résultats de la recherche à toute fin utile, on trouve des citations aussi éloignées que des remarques utiles et curieuses [...] tout au long au commencement ou à la fin dudit Ouvrage.
En encadrant l'expression par des guillemets, nous obtenons les résultats suivants :
– "à toute fin utile" : 3 820 résultats
– "à toutes fins utiles" : 248 000 résultats
On peut noter que l'Académie, le TLF et le Robert des difficultés du français ne mentionnent que la forme au pluriel ; Hanse fait la remarque suivante :
En encadrant l'expression par des guillemets, nous obtenons les résultats suivants :
– "à toute fin utile" : 3 820 résultats
– "à toutes fins utiles" : 248 000 résultats
On peut noter que l'Académie, le TLF et le Robert des difficultés du français ne mentionnent que la forme au pluriel ; Hanse fait la remarque suivante :
- À TOUTES FINS (écrit parfois À TOUTE FIN), expression classique, est couramment remplacé par À TOUTES FINS UTILES (au pluriel).
Dernière modification par Ernest de la Coquecigrue le sam. 07 déc. 2013, 17:59, modifié 1 fois.