Les tristes évènements qui se déroulent en Centrafrique, et l’intervention de l’armée française, nous amènent à entendre répéter à la télévision le mot « exactions » dont se gargarisent les commentateurs. L’Académie française le définit ainsi :
de exigere, au sens de « faire payer ».
1. Action par laquelle une personne ou une autorité exige par intimidation une contribution qui n'est pas due ou des droits supérieurs à ceux qui sont dus. Le plus souvent au pluriel. Les exactions de Verrès sont célèbres.
Jusqu’ici tout va bien. Mais elle ajoute :
2. Au pluriel. Actes de violence, de pillage, sévices commis, généralement par une armée, à l'égard d'une population. Il est rare qu'une guerre de conquête ne s'accompagne pas d'horribles exactions.
Et là je dois dire que je suis réticent. Elle entérine une erreur que rien ne peut justifier. Ce n’est pas une extension de sens, une évolution sémantique, mais une impropriété. Elle ne joue plus son rôle de gardienne du bon usage. Elle donne dans le même travers que les dictionnaires commerciaux, qui se font les fidèles rapporteurs des pratiques à la mode sans signaler les emplois impropres ou fautifs. Elle déclare elle-même qu’elle se veut « observatrice et témoin de l’usage », sans mettre en garde contre les abus de celui-ci. Jusqu’à quel point peut-on encore lui accorder du crédit ?
Exactions
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- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Vous m'apprenez presque tout cela. J'avoue d'ailleurs que je ne connaissais que la deuxième acception d'"exaction".
Je viens de chercher "exigo" dans le Gaffiot : son premier sens est "pousser dehors", "chasser", "expulser". L'Académie n'aurait-elle pas été influencée par cela pour authentifier "acte de violence, de pillage..." ?
Je viens de chercher "exigo" dans le Gaffiot : son premier sens est "pousser dehors", "chasser", "expulser". L'Académie n'aurait-elle pas été influencée par cela pour authentifier "acte de violence, de pillage..." ?
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Vous lui accordez le bénéfice du doute, mais je crois qu'elle se laisse plutôt de plus en plus aller dans le sens de la tendance dominante en matière de vocabulaire, en offrant de moins en moins de résistance aux déviances. Peut-être ne veut-elle pas donner prise à des critiques la qualifiant de « ringarde » ou de « puriste », avec le sens péjoratif qu'on donne de nos jours à ce mot.
Elle a été beaucoup brocardée, dévaluée. Victor Hugo disait déjà L'Académie est le chef-d'œuvre de la puérilité sénile. Et Alfred de Vigny L'Académie a un grand malheur, c'est d'être la seule corporation un peu durable qui n'ait jamais cessé d'être ridicule. Quelqu'un d'autre dont j'ai oublié le nom : « Ils sont là quarante qui ont de l'esprit comme quatre ».
Alors ces critiques féroces, et bien d'autres probablement, ont dû inciter la commission du dictionnaire à se mettre « dans le vent » pour ne plus donner prise à ces éternelles attaques.
Elle a été beaucoup brocardée, dévaluée. Victor Hugo disait déjà L'Académie est le chef-d'œuvre de la puérilité sénile. Et Alfred de Vigny L'Académie a un grand malheur, c'est d'être la seule corporation un peu durable qui n'ait jamais cessé d'être ridicule. Quelqu'un d'autre dont j'ai oublié le nom : « Ils sont là quarante qui ont de l'esprit comme quatre ».
Alors ces critiques féroces, et bien d'autres probablement, ont dû inciter la commission du dictionnaire à se mettre « dans le vent » pour ne plus donner prise à ces éternelles attaques.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Il y a une dizaine de mois que je fréquente Français notre belle langue et presque à chaque visite je tombe un peu des nues en constatant que l'Académie Française n'est pas exactement la référence absolue que j'imaginais auparavant ! Malheureusement pour elle quelques expériences que je fais hors de ce forum vont dans le même sens. Sous la plume de l'un de ses membres, dans un livre que j'enregistre ces temps-ci, je lisais hier :
Le 6 juin, 177 hommes du 1er bataillon de fusiliers marins, commandos du commandant Philippe Kieffer, doivent s'emparer le matin du mardi 6 juin du bunker de Ouistreham.
N'avez-vous pas l'impression que l'auteur a oublié à la fin de cette phrase, qui n'est tout de même pas si longue, les trois mots du début ? Bien entendu je suis loin d'avoir globalement ses connaissances, mais je réagis ici comme je le fais en face de sous-titres erronés à la télévision ou du discours bâclé d'un homme politique : certaines personnes, certains organismes sont davantage comptables de la langue française que les simples mortels.
Le 6 juin, 177 hommes du 1er bataillon de fusiliers marins, commandos du commandant Philippe Kieffer, doivent s'emparer le matin du mardi 6 juin du bunker de Ouistreham.
N'avez-vous pas l'impression que l'auteur a oublié à la fin de cette phrase, qui n'est tout de même pas si longue, les trois mots du début ? Bien entendu je suis loin d'avoir globalement ses connaissances, mais je réagis ici comme je le fais en face de sous-titres erronés à la télévision ou du discours bâclé d'un homme politique : certaines personnes, certains organismes sont davantage comptables de la langue française que les simples mortels.
- Klausinski
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- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude