Espace : masculin ou féminin ?

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Jacques
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Espace : masculin ou féminin ?

Message par Jacques »

Il se trouve encore, en 2014, des gens qui tiennent à faire d’espace, en écriture, un mot féminin. Ils disent ainsi qu’après la virgule on doit mettre une espace, que compte rendu ne prend pas de trait d’union et s’écrit avec une espace.
C’est non seulement un archaïsme, mais une impropriété. Le dictionnaire d’usage Hachette écrit :
Espace n. f. TYPO Lamelle de métal servant à séparer deux mots, deux caractères. Une espace fine.
L’Académie confirme :
TYPOGR. Petite pièce de métal, de largeur et d'épaisseur variables, qui sert à séparer les mots. Espace fine, forte. Mettre une espace plus épaisse pour justifier la ligne.
Cela remonte à l’époque lointaine où la composition se faisait à la main, avec des tiges en plomb dont l’extrémité représentait en relief un caractère ou un signe à l’envers. L’espace au féminin était une tige plus courte, sans signe ni caractère. On introduisait une espace pour obtenir un espace.
Dans nos cours de dactylographie, en 1955, le professeur et les manuels ne connaissaient que le masculin : on créait un espace. À notre époque de traitements de texte, après 40 à 50 ans de PAO pour les professionnels, où la composition est purement virtuelle et affranchie de contraintes matérielles, la faute est encore plus inexplicable.
J’en ai fait un jour gentiment et diplomatiquement la démonstration à quelqu’un qui avait proposé un article à publier. Malgré mes arguments, il a répondu : « Cela ne fait rien, je continuerai à dire une espace ». C’est bizarre, cette obstination à vouloir s’accrocher à une erreur, et à refuser de s’en corriger en dépit des preuves apportées.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Cette question est tout de même controversée. Dans Le Ramat de la typographie, un ouvrage de référence, il est dit que le mot « espace » est féminin quand il désigne les espaces sécables et insécables et masculin quand il désigne un espace non imprimé, par exemple un espace (ou un blanc) entre deux paragraphes. Girodet cite, quant à lui, la définition suivante : « pièce de métal qui sépare deux caractères et qui se traduit par un blanc à l'impression », et il ajoute en guise d'exemple : « il faut mettre une espace plus fine entre ces deux mots ». Selon cette interprétation, il semble que rien n'empêche d'employer ce mot par métonymie. C'est d'ailleurs une acception que propose le TLFi, qui indique : « P. méton. Blanc qui résulte de l'emploi de cette lame. » Le Grand Robert va dans le même sens, même s'il est un peu moins clair : « Par ext. La place que prend cette tige. » Enfin, dans Le bon usage, au paragraphe 118, le mot espace est employé au féminin dans des phrases telles que « Il y a une espace avant les guillemets ». L'auteur renvoie à une remarque qui explique : « Espace est fém. comme terme de typographie. »
La question pourrait être de savoir si l'on peut continuer à utiliser métaphoriquement ce mot qui ne correspond plus à une réalité. Pour moi, la réponse est oui, de la même manière que l'on parle toujours de bas-de-casse dans le milieu de l'édition.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Jacques
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Message par Jacques »

Question controversée, voilà bien le terme. Il semblerait que les typographes aient pris l'habitude de confondre les deux, par métonymie comme vous le dites. Devons-nous renier la définition de l'Académie ? Évidemment, nous l'avons contestée en d'autres circonstances, en nous appuyant sur divers spécialistes.
Allons-y pour Wikipedia, avec qui (ou quoi) je me suis réconcilié, grâce à Ernest de la Coquecigrue :
Le mot espace est féminin pour désigner le caractère, c'est-à-dire l'élément physique, caractère en plomb.
Élément physique, caractère en plomb. Pas le blanc qui en résulte sur le papier, encore moins en dactylographie ou traitement de texte.
Bien que n'étant plus tout à fait de ce qu'on appelle la « première jeunesse », je considère que vouloir maintenir cette appellation relève d'un goût pour les choses désuètes, surannées.
La définition de Girodet n'applique pas le genre au blanc sur le papier : Pièce de métal qui sépare [...] et qui se traduit par un blanc à l'impression. Pas qui s'applique aussi à.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

J'ai choisi de citer surtout les exemples en faveur du féminin pour désigner l'espace entre deux mots. Mon but est de montrer que la question n'est pas définitivement tranchée. La métonymie n'est pas ici une faute de langage ou une vulgaire confusion, c'est une association qui se fait naturellement, et qui a été faite au moins par deux experts : Aurel Ramat et Grevisse. On peut ajouter à ces deux-noms celui de Jean-Pierre Lacroux, auteur d'un excellent dictionnaire orthotypographique, et qui emploie le féminin quand il parle d'espace sécables ou insécables. Même Wikipédia, que vous citez en faveur du masculin, conclut son paragraphe avec une indulgence pour le féminin : « Le caractère espace est donc masculin, mais l'écrire au féminin n'est pas une erreur pour autant. » Je ne veux pas particulièrement maintenir cette appellation, mais je ne la rejetterais pas comme incorrecte.
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Jacques
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Message par Jacques »

L'objet du forum est d'offrir un espace de discussion. C'est ce qui est écrit. Chacun expose son opinion, et la défend au besoin. Il est bien naturel que certaines situations donnent lieu à controverses, à interprétations différentes. Tous les goûts, tous les avis sont dans la nature. Je ne juge personne, je dis essentiellement que, si on peut envisager la métonymie dans le domaine spécifique de la typographie ancienne, il ne me semble pas normal de dire une espace en dactylographie ou traitement de texte, et que j'ai été instruit dans cette optique. C'est à propos de cela que j'ai parlé d'erreur.
Hanse dit encore : Espace est masculin dans tous les sens, sauf quand il désigne la petite lame de métal dont les typographes se servent pour séparer les mots.
Et Littré :
S. f. Terme d'imprimerie. Petite pièce de fonte qui sert à séparer les mots. Il y a des espaces petites, fortes, minces, moyennes, pour donner au compositeur la facilité de justifier.
Le dictionnaire de l'Académie, 8e édition :
En termes de Typographie, il désigne des Petites pièces de fonte, plus basses que la lettre, qui ne marquent point sur le papier, et qui servent à séparer les mots l'un de l'autre. Dans ce sens il est féminin. Mettre une espace entre deux mots. Une espace fine. Une forte espace.
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Message par GB-91 »

Je persiste à dire et à écrire une espace. Surtout lorsque celle-ci est suivie de son usage ou de sa qualification. Diriez-vous un espace fin ? Moi pas.
Pour résumer, l’espace obéit à des règles fixées par l’œil humain lors de la lecture ou pour des raisons d’alignement lors de la composition des tableaux et des énumérations. C’est Claude Garamond qui a entrepris d’en fixer les premières règles auxquelles il a attribué le qualificatif d’élégance.

Dans la composition au plomb :
L’espace normale demi cadratin (1/2 du corps, soit six points pour le corps 12) sépare les mots et, dans les polices dites classiques, les chiffres ont cette même valeur de six points, ce qui facilite les alignements dans les tableaux ou les énumérations.
L’espace large a la valeur du cadratin et elle est en usage selon les nécessités pour conserver les alignements dans les tableaux et énumérations.
L’espace fine (1/4 du corps) se place obligatoirement devant le point-virgule, le deux points, les guillemets, le signe %, les points d’exclamation et d’interrogation. Il arrive que l’on en use dans le texte lorsqu’on veut éviter la coupure d’un mot pour une lettre ou deux en fin de paragraphe.
L’espace dite papier, découpée minutieusement au cutter dans du bristol, s’ajoute parfois dans une ligne où les espaces fines sont insuffisantes pour assurer la justification alors que les espaces normales obligeraient à une coupure de mot dans des cas spécifiques. On appelle cela « de la monnaie ».
Afin de faciliter les alignements, les signes typographiques, mathématiques et d’usage ont tous une valeur prédéfinie avec le cadratin pour référence. Voici les signes les plus courants :
Sur la base du cadratin : + = X ± < > — % & #
Sur la base du demi-cadratin : ( ) « » ? / ! § [ ] – { }
Sur la base de 4 au corps : . , ; : ‘

Comme nous l’avons tous constaté – et déploré – Microsoft a fait en sorte que tous les espaces (au masculin cette fois) sont également répartis sur les lignes justifiées, y compris les espaces insécables préinstallées qui devraient, en toute logique obéir à la règle applicable aux espaces en usage dans le code typographique.
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Jacques
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Message par Jacques »

Microsoft n'est pas le seul, j'ai deux traitements de texte, Atlantis et Kingsoft writer, qui font la même chose ; Libre office, je crois, applique le même principe ; Quark Xpress itou. Pour un non-professionnel comme moi c'est ce qui est le plus logique et le plus agréable à l'œil. Donc je ne critique pas cette mesure. C'est, me semble-t-il, ce qui se fait partout, y compris sur le forum.
Ou alors, il y a quelque chose qui m'échappe dans votre raisonnement de professionnel.
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Message par GB-91 »

Jacques a écrit :Microsoft n'est pas le seul, j'ai deux traitements de texte, Atlantis et Kingsoft writer, qui font la même chose ; Libre office, je crois, applique le même principe ; Quark Xpress itou. Pour un non-professionnel comme moi c'est ce qui est le plus logique et le plus agréable à l'œil. Donc je ne critique pas cette mesure. C'est, me semble-t-il, ce qui se fait partout, y compris sur le forum.
Ou alors, il y a quelque chose qui m'échappe dans votre raisonnement de professionnel.

Microsoft n'est pas le seul
Oui, Jacques, nous sommes bien d’accord sur ce point. J’ai cité Microsoft parce que la firme est devenue emblématique des procédés de vente forcée, de non-choix lors de l’achat d’un PC. Souvenons-nous, il y a une trentaine d’années de cela, des incompatibilités que l’on rencontrait entre Apple et Microsoft, chacun des deux majors cherchant alors à capturer la clientèle en l’enfermant dans ses systèmes. On avait connu cela précédemment avec Singer qui avait établi sa standardisation à partir du système Japy de sorte que les vis du commerce étaient incompatibles avec leur matériel. Et s’il n’y avait que Singer…

Ou alors, il y a quelque chose qui m'échappe dans votre raisonnement de professionnel.
Concernant mon raisonnement, je suis resté typo. Après quarante et un ans de pratique dans l’imprimerie, je ne peux pas me départir de ce que j’ai appris (ce qui ne veut pas dire que je suis inéducable), de ce qui m’a servi et me sert encore. Lorsque par exemple je bricole, je me sers du typomètre de 110 douzes gradué en cicéros et en centimètres (50 cm) :

Image

Ce contre quoi je m’élève, c’est la disparité trop fantaisiste des polices numériques qui conduit à des aberrations. Prenons un exemple :
Une page ouverte sur Windows offre une hauteur de 246 millimètres, soit 54 douzes, donc cinquante-quatre lignes en corps 12 en points Didot de 0,375 mm. Si je compose cette page en Arial corps 12, je dois trouver 54 lignes, or je n’en compte que 51. Et la suite donne ceci :
Georgia Ref 51 lignes
Garamond 51
Courier New 51
Times 50
Agency 49
Goudy 48
Calibri 47
Book Antiqua 46
Comic 41

En Arial, je suis donc obligé de travailler sur le corps 11,5 (obtenu manuellement) pour trouver mes cinquante-quatre lignes.

Il est passé où mon cicéro qui vaut douze fois 0,375 mm ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Je suis un peu, mais pas entièrement, cette démonstration technique.
Pour vous dire, je n'ai jamais compris ce que signifie cadratin, entre autres choses.
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Message par GB-91 »

Jacques a écrit :Je suis un peu, mais pas entièrement, cette démonstration technique.
Pour vous dire, je n'ai jamais compris ce que signifie cadratin, entre autres choses.
Je ne parviens pas à répondre avec moins de cent caractères.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne comprends pas le sens de votre réponse. Pouvez-vous être plus précis ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
GB-91
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Message par GB-91 »

Jacques a écrit :Je ne comprends pas le sens de votre réponse. Pouvez-vous être plus précis ?
Lorsque je veux lancer ma réponse, un cartouche m'indique que je dois utiliser au maximum cent caractères.
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est étrange, il n'y a pas de plafond. Il y a eu dans les débuts du forum une femme qui ne s'intéressait pas au français, et s'était inscrite pour parler de rap ou autre chose de ce genre. Elle nous avait déposé un message de sept pages d'écran sur la biographie de deux personnages et une longue tirade sur ce qu'elle considérait comme leur « art ». C'était l'époque des inscriptions automatiques.
Cent caractères, cela ne fait même pas deux lignes dans la fenêtre de saisie.
Utilisez-vous le navigateur Internet explorer ? On dirait qu'il est générateur de bien des ennuis techniques.
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jarnicoton
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Message par jarnicoton »

GB-91 a écrit :
Jacques a écrit :Je ne comprends pas le sens de votre réponse. Pouvez-vous être plus précis ?
Lorsque je veux lancer ma réponse, un cartouche m'indique que je dois utiliser au maximum cent caractères.
Cela me fait parfois la même chose. Je n'en tiens pas compte, et ça passe !
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Claude
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Message par Claude »

jarnicoton a écrit :[...] Cela me fait parfois la même chose. Je n'en tiens pas compte, et ça passe !
Je suis dans ce cas et réagis comme vous.
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