Notre langue est-elle phallocrate ?
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Notre langue est-elle phallocrate ?
Qui sera élue Miss France ? C'est le titre à la une d'une revue ancienne que j'ai feuilletée récemment. Accorder le participe au féminin n'est pas correct avec le sujet « qui », je ne l'aurais pas fait. Mais j'imagine facilement la gêne que peut avoir eue l'auteur de cette phrase avant d'avoir recours à l'option incorrecte : son bon sens n'a pas accepté « Qui sera élu Miss France ? » et je peine à le lui reprocher.
- Jacques
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Vous soulevez là un cas auquel je n'aurais pas pensé. J'aurais tout aussi spontanément mis le féminin au PP (ou le PP au féminin, si on préfère).
Bien sûr, le pronom mis en tête ne donne pas le genre du nom qu'il remplace, mais le mot Miss qui vient après éclaire le sujet.
Vous considérez QUI comme étant en fonction de pronom indéfini, qui prend donc le masculin faute de neutre en français.
GIRODET explique : « Qui pronom interrogatif s'emploie le plus souvent au masculin. L'usage tolère, avec le verbe être et un adjectif, ou surtout un nom attribut, des tournures telles que : Qui est la directrice ? »
ROBERT : « Qui pronom interrogatif est le plus souvent masculin singulier, mais il est parfois féminin et même pluriel : Qui est idiote ? ma sœur, ma mère, ma nièce ? (Giraudoux) ».
L'usage, s'il ne s'appuie pas avec force sur une règle, prend néanmoins le parti du bon sens, celui qui évite de choquer.
Bien sûr, le pronom mis en tête ne donne pas le genre du nom qu'il remplace, mais le mot Miss qui vient après éclaire le sujet.
Vous considérez QUI comme étant en fonction de pronom indéfini, qui prend donc le masculin faute de neutre en français.
GIRODET explique : « Qui pronom interrogatif s'emploie le plus souvent au masculin. L'usage tolère, avec le verbe être et un adjectif, ou surtout un nom attribut, des tournures telles que : Qui est la directrice ? »
ROBERT : « Qui pronom interrogatif est le plus souvent masculin singulier, mais il est parfois féminin et même pluriel : Qui est idiote ? ma sœur, ma mère, ma nièce ? (Giraudoux) ».
L'usage, s'il ne s'appuie pas avec force sur une règle, prend néanmoins le parti du bon sens, celui qui évite de choquer.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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:DClaude a écrit :J'y vais d'une chacalerie : « Qui deviendra Miss France ? ».
« Qui est la directrice ? » ne me gêne aucunement, tandis que « Qui est idiote ? » me paraît plus difficile à accepter, malgré la phrase de Giraudoux citée par Robert.
« Sera élue » est le futur passif du verbe élire. Il me semble que le besoin que l'on ressent d'accorder le PP est dû à l'attribut du sujet « Miss France ». Vous le dites, Jacques, il éclaire le sujet.
Mais alors, que se passe-t-il si l'on n'utilise pas cet attribut du sujet ? Un journaliste peut commenter la photo des candidates en posant la question « Qui sera élu ? ». « Qui sera élue ? » ne paraîtrait-il pas encore plus bizarre ?
En reprenant votre verbe, Claude, je me demande pareillement si je dois écrire « Qui est devenu » ou « devenue Miss France en décembre 2003 ? »
Bon, c'est peut-être moi qui suis sexiste, à considérer « qui » interrogatif comme essentiellement masculin !
- Claude
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1) Je pense comme vous avec directrice et idiote.
2) « sera élue » est le futur passif du verbe élire : je ne connaissais pas cette définition du temps de conjugaison qui me séduit ; je dis d'habitude futur simple de « être élu ».
3) Dans ce cas je suis également sexiste.
2) « sera élue » est le futur passif du verbe élire : je ne connaissais pas cette définition du temps de conjugaison qui me séduit ; je dis d'habitude futur simple de « être élu ».
3) Dans ce cas je suis également sexiste.
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- Jacques
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Je ne connaissais pas non plus ce terme de futur passif, c'est peut-être une terminologie nouvelle, pour moi comme pour Claude c'est le futur du verbe être élu. Je crois que c'est ce qu'on nous enseignait.jarnicoton a écrit :Je ne connais pas non plus de futur passif, mais le futur à la voix passive.
Par ailleurs, s'il n'y a pas d'attribut du sujet, je pense que le masculin s'impose et que le féminin se révèle fautif.
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Vous m'étonnez beaucoup. Au passif on a les mêmes temps et modes qu'à l'actif. À moins que vous trouviez l'expression « futur passif » un peu elliptique. Il vaudrait sans doute mieux dire « le futur du passif » ou « le passif au futur » ou, comme vous le proposez, jarnicoton, « le futur à la voix passive ». Quoi qu'il en soit, je n'imagine aucun grammairien parler du verbe « être élu » dans « Je serai élu » ou « Qui sera élu ? » : on a bien à faire au verbe « élire » au futur... et au passif !
Vous dites, Jacques, concernant le sujet d'origine, que le masculin s'impose s'il n'y a pas d'attribut du sujet. Mais là encore je n'ai jamais entendu parler d'un grammairien considérant que l'accord dépendrait de la présence d'un attribut du sujet.
Vous dites, Jacques, concernant le sujet d'origine, que le masculin s'impose s'il n'y a pas d'attribut du sujet. Mais là encore je n'ai jamais entendu parler d'un grammairien considérant que l'accord dépendrait de la présence d'un attribut du sujet.
- Claude
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Pourtant, issus de régions différentes, Jacques et moi avons fréquenté la classe de maternelle supérieure.André (G., R.) a écrit :[...] Quoi qu'il en soit, je n'imagine aucun grammairien parler du verbe « être élu » dans « Je serai élu » ou « Qui sera élu ? » : on a bien à faire au verbe « élire » au futur... et au passif ![...]
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- Jacques
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Je n'ai pas d'opinion personnelle sur la question. Mon dernier cours de grammaire remonte à juin 1951, c'est trop loin et je ne suis pas sûr que ces notions aient été abordées dans ma formation.André (G., R.) a écrit :Vous dites, Jacques, concernant le sujet d'origine, que le masculin s'impose s'il n'y a pas d'attribut du sujet. Mais là encore je n'ai jamais entendu parler d'un grammairien considérant que l'accord dépendrait de la présence d'un attribut du sujet.
Je me fonde sur les citations que j'ai rapportées de Girodet et Robert. Quand il n'y a pas de référence à des personnes d'un sexe ou de l'autre, le masculin, qui est la règle grammaticale, semble seul logique. N'oublions pas que l'accord avec un attribut est fondé sur l'usage et non sur la règle. C'est donc une tolérance.
Je propose une déduction logique, mais je n'ai pas d'arguments pour affirmer, c'est pourquoi j'ai écrit je pense que... Je n'ai pas qualité pour affirmer quoi que ce soit. Les autres spécialistes, d'ailleurs, ne prennent même pas position.
Dernière modification par Jacques le mer. 30 avr. 2014, 13:43, modifié 3 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Quatre remarques.
Il me semble qu'on utilise de plus en plus « qui » interrogatif par paresse. Lorsqu'on attend un nom de personne dans la réponse, par exemple, un groupe nominal avec l'adjectif interrogatif « quel » serait peut-être parfois plus judicieux : Quelle candidate sera-t-elle élue Miss France ?
Ou bien, dans certains jeux je le vois remplacer « Que... », « Qu'est-ce que... » ou « Qu'est-ce qui... », lorsque n'est pas attendu dans la réponse, donc, un nom de personne :
Mon premier est le mâle de l'oie, mon second est un cervidé : qui suis-je ? (Réponse : un jardin)
Mon entêtement à considérer « qui » interrogatif comme essentiellement masculin peut venir de ce que son équivalent allemand « wer » porte la marque de ce genre.
Mais « Qui est devenu Miss France ? » continue de me paraître préférable.
Il me semble qu'on utilise de plus en plus « qui » interrogatif par paresse. Lorsqu'on attend un nom de personne dans la réponse, par exemple, un groupe nominal avec l'adjectif interrogatif « quel » serait peut-être parfois plus judicieux : Quelle candidate sera-t-elle élue Miss France ?
Ou bien, dans certains jeux je le vois remplacer « Que... », « Qu'est-ce que... » ou « Qu'est-ce qui... », lorsque n'est pas attendu dans la réponse, donc, un nom de personne :
Mon premier est le mâle de l'oie, mon second est un cervidé : qui suis-je ? (Réponse : un jardin)
Mon entêtement à considérer « qui » interrogatif comme essentiellement masculin peut venir de ce que son équivalent allemand « wer » porte la marque de ce genre.
Mais « Qui est devenu Miss France ? » continue de me paraître préférable.
- Jacques
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Il n'y a pas d'entêtement, je dirais plutôt persévérance. Entêtement a un côté péjoratif laissant entendre qu'on s'obstine contre toute logique dans une attitude peu défendable. Ce n'est pas le cas.
Grammaticalement vous avez raison, puisque la règle est que le pronom qui interrogatif est de genre masculin.
Je reprends une vieille édition du Dictionnaire des difficultés de Larousse (1956) : « Qui interrogatif est ordinairement du masculin singulier, mais on le rencontre parfois au féminin ou au pluriel : "Si cette créature-là devait être perdue, qui donc serait sauvée ? (Thérive) Qui ont été nos guides ? (R. Rolland)" »
Il semblerait qu'on ne puisse pas vraiment parler de règle au sens absolu, mais d'une pratique dominante avec des exceptions non condamnées.
La phrase de Thérive me gêne cependant, j'aurais mis le masculin.
Quant à la paresse qui fait préférer qui à une forme plus juste, plus exacte, je suis bien d'accord, elle s'inscrit dans les détériorations de l'expression.
Et pour revenir à Miss France, l'équivoque et le doute seraient levés si on écrivait : Quelle candidate sera élue ? ou d'autres formes non ambigües. Mais la phrase de votre exemple ne peut pas être considérée comme une erreur, parce que l'accord évite de choquer avec une opposition de genres. Nous côtoyons l'accord d'intention.
Grammaticalement vous avez raison, puisque la règle est que le pronom qui interrogatif est de genre masculin.
Je reprends une vieille édition du Dictionnaire des difficultés de Larousse (1956) : « Qui interrogatif est ordinairement du masculin singulier, mais on le rencontre parfois au féminin ou au pluriel : "Si cette créature-là devait être perdue, qui donc serait sauvée ? (Thérive) Qui ont été nos guides ? (R. Rolland)" »
Il semblerait qu'on ne puisse pas vraiment parler de règle au sens absolu, mais d'une pratique dominante avec des exceptions non condamnées.
La phrase de Thérive me gêne cependant, j'aurais mis le masculin.
Quant à la paresse qui fait préférer qui à une forme plus juste, plus exacte, je suis bien d'accord, elle s'inscrit dans les détériorations de l'expression.
Et pour revenir à Miss France, l'équivoque et le doute seraient levés si on écrivait : Quelle candidate sera élue ? ou d'autres formes non ambigües. Mais la phrase de votre exemple ne peut pas être considérée comme une erreur, parce que l'accord évite de choquer avec une opposition de genres. Nous côtoyons l'accord d'intention.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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La phrase de Thérive me gêne pareillement.Jacques a écrit : "Si cette créature-là devait être perdue, qui donc serait sauvée ? (Thérive) Qui ont été nos guides ? (R. Rolland)" »
La phrase de Thérive me gêne cependant, j'aurais mis le masculin.
Quant à la question « Qui ont été nos guides ? », elle me paraît avantageusement modifiable en « Quels ont été nos guides ? » J'ai parlé de l'adjectif interrogatif qu'on oublie parfois. Il en va de même du pronom interrogatif « quel ». Larousse, du reste, ne connaît ce mot que comme adjectif ; heureusement Robert n'ignore pas sa nature parfois pronominale.