Être à l'affût de
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Être à l'affût de
J'ai rencontré cette tournure un jour dans une phrase que j'ai notée et que je viens de retrouver. Elle m'avait paru et continue aujourd'hui de me paraître incorrecte : Les informations dont vous êtes à l'affût... J'aurais dit ou écrit : Les informations à l'affût desquelles vous êtes... Malheureusement je me sens incapable d'expliquer l'erreur qu'il pourrait y avoir. À moins qu'il n'y en ait pas ?
- Jacques
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J'ai une piste. Selon Girodet (et les autres spécialistes bien sûr) dont correspond à de qui, de quoi, duquel, de laquelle, desquels, desquelles.
On ne dirait pas les informations desquelles vous êtes à l'affût.
Selon Grevisse, dont marque la cause, la manière, la possession, la matière...
Il n'y a rien de tel dans être à l'affût. Remplaçons-le par son synonyme guetter : les informations dont vous guettez est sans signification.
Je n'ai pas d'explications rationnelles, et les auteurs de livres didactiques n'en donnent pas. Il faut donc raisonner un peu « par la bande ».
On ne dirait pas les informations desquelles vous êtes à l'affût.
Selon Grevisse, dont marque la cause, la manière, la possession, la matière...
Il n'y a rien de tel dans être à l'affût. Remplaçons-le par son synonyme guetter : les informations dont vous guettez est sans signification.
Je n'ai pas d'explications rationnelles, et les auteurs de livres didactiques n'en donnent pas. Il faut donc raisonner un peu « par la bande ».
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Jacques
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Il faut se fonder sur ce que je rapporte plus haut : être à l'affût de représente un but, pas une cause, c'est ce qui guide notre raisonnement. Logiquement on devrait dire ce à l'affût de quoi vous êtes. On évite quand même ce type de construction parce que c'est un peu pesant.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Pour moi, oui. Je dirais : Ce à l'affût de quoi vous êtes, ce sont les informations...Islwyn a écrit :Éprouve-t-on le même malaise devant « ce dont vous êtes à l'affût, ce sont les informations... » ?
Une expression, partiellement comparable, m'est venue à l'esprit entre-temps : être à l'abri de. Elle peut avoir deux sens, dont l'un me semble s'accommoder de « dont », l'autre non. Je crois que je ne serais pas trop gêné par : S'il y a une maladie dont notre époque est à l'abri, c'est bien... Par contre, à partir de « Je me suis mis à l'abri d'un chêne », je n'accepte pas « L'arbre, dont je me suis mis à l'abri, était un chêne », mais seulement « L'arbre, à l'abri duquel je me suis mis, était un chêne ».
Je crois que ces observations vont dans le sens de votre intervention, Jacques.
- Jacques
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Je ne suis pas tout à fait sûr pour votre phrase que je mets en rouge, mais je n'affirme pas qu'elle soit mauvaise. J'aurais écrit S'il y a une maladie à l'abri de laquelle est notre époque. Nous faisons de la gymnastique avec la syntaxe. Estimons que la construction que je propose nous met à l'abri d'une éventuelle erreur, mais faute de savoir réellement je me garderai de condamner votre proposition.André (G., R.) a écrit :Je crois que je ne serais pas trop gêné par : S'il y a une maladie dont notre époque est à l'abri, c'est bien... Par contre, à partir de « Je me suis mis à l'abri d'un chêne », je n'accepte pas « L'arbre, dont je me suis mis à l'abri, était un chêne », mais seulement « L'arbre, à l'abri duquel je me suis mis, était un chêne ».
Je crois que ces observations vont dans le sens de votre intervention, Jacques.
Dernière modification par Jacques le jeu. 15 mai 2014, 19:24, modifié 1 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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- Ernest de la Coquecigrue
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Je pense que le malaise ressenti est dû au principe selon lequel le pronom relatif dont ne peut dépendre d'un complément introduit par une préposition.
Par exemple :
Par exemple :
- 1. °La maison dont je me suis appuyé contre la porte.
2. °Le pays dont j'ai posé les pieds sur le sol.
3. °Le candidat dont le calomniateur nuit à la réputation.
- 4. °Les informations dont vous êtes à l'affût.
5. °L'arbre dont je me suis mis à l'abri (... était un chêne).
- 1. La maison contre la porte de laquelle je me suis appuyé.
2. Le pays sur le sol duquel j'ai posé les pieds.
3. Le candidat à la réputation de qui le calomniateur nuit. (Ou : à la réputation duquel.)
4. Les informations à l'affût desquelles vous êtes.
5. L'arbre à l'abri duquel je me suis mis (... était un chêne).
- A. Une femme dont les cheveux flottent sur les épaules. (Ici, dont est complément à la fois de cheveux et de épaules.)
B. Un écrivain dont l'œuvre est inséparable de la vie.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Merci beaucoup, Ernest, vous faites grandement avancer ce sujet.
Mais je ne vous suis pas entièrement dans votre démonstration. Dans les trois phrases que vous proposez, le complément introduit par une préposition ne fait pas partie intégrante du groupe verbal : s’appuyer, poser les pieds et nuire gardent leur sens si l’on retire les compléments « contre la porte», « sur le sol » et « à la réputation », « dont » serait alors fautif.
Il n’en va pas de même pour « être à l’affût » et « se mettre à l’abri », qui me paraissent constituer pour ainsi dire des verbes autonomes en plusieurs éléments. Si l’on accepte « Les maladies dont notre société a su se préserver… », j’ai du mal à refuser « Les maladies dont notre société a su se mettre à l’abri… », parce que « se mettre à l’abri de » signifie alors « se préserver de », « savoir éviter » et non « se faire protéger par ». C’est la raison pour laquelle j’ai fait la distinction entre des phrases du genre « se mettre à l’abri d’un chêne » ou « d’un toit » (à partir desquelles une phrase avec « dont » me paraît impossible) et d’autres comme « se mettre à l’abri d’une maladie » ou « d’une surprise désagréable ». Mais je reste prudent quant à cette distinction.
« Être à l’affût de » peut être suivi de compléments de sens propre (gibier) ou de sens figuré (informations), mais liés pareillement au verbe être, si bien que « être (ou : mettre) à l’abri de » ne lui est pas entièrement comparable. À la suite de vos interventions je considère comme très probablement fautif « Les informations dont vous êtes à l’affût… »
Mais je ne vous suis pas entièrement dans votre démonstration. Dans les trois phrases que vous proposez, le complément introduit par une préposition ne fait pas partie intégrante du groupe verbal : s’appuyer, poser les pieds et nuire gardent leur sens si l’on retire les compléments « contre la porte», « sur le sol » et « à la réputation », « dont » serait alors fautif.
Il n’en va pas de même pour « être à l’affût » et « se mettre à l’abri », qui me paraissent constituer pour ainsi dire des verbes autonomes en plusieurs éléments. Si l’on accepte « Les maladies dont notre société a su se préserver… », j’ai du mal à refuser « Les maladies dont notre société a su se mettre à l’abri… », parce que « se mettre à l’abri de » signifie alors « se préserver de », « savoir éviter » et non « se faire protéger par ». C’est la raison pour laquelle j’ai fait la distinction entre des phrases du genre « se mettre à l’abri d’un chêne » ou « d’un toit » (à partir desquelles une phrase avec « dont » me paraît impossible) et d’autres comme « se mettre à l’abri d’une maladie » ou « d’une surprise désagréable ». Mais je reste prudent quant à cette distinction.
« Être à l’affût de » peut être suivi de compléments de sens propre (gibier) ou de sens figuré (informations), mais liés pareillement au verbe être, si bien que « être (ou : mettre) à l’abri de » ne lui est pas entièrement comparable. À la suite de vos interventions je considère comme très probablement fautif « Les informations dont vous êtes à l’affût… »
- Ernest de la Coquecigrue
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- Inscription : mer. 30 oct. 2013, 11:57
Merci de vos aimables paroles. Vous avez raison, et vos arguments m'obligent à revoir ma position. Certaines sources indiquent effectivement que le nom complété par dont peut être précédé d'une préposition si celle-ci fait partie d'une locution figée.
Grevisse dit simplement que dont peut être complément de à bout et en possession : Une dernière défense […] dont le médecin venait facilement à bout. Il mentionne le fait que Hanse permet aussi à l'écart. Hanse, dans son dictionnaire des difficultés, est un peu plus vague et parle de certaines « locutions figées » : il mentionne effectivement être à l'écart, ainsi que faire du cas et venir à bout.
J'ai découvert il y a quelques jours un site assez étonnant : http://gabrielwyler.com/page000.html. Celui-ci propose un manuel de grammaire française entièrement gratuit écrit par un certain Gabriel Wyler qui ne se présente pas, et sur lequel je n'ai trouvé aucune information. Le manuel en question est encore en cours de rédaction (celle-ci semble avoir commencé l'année dernière), comporte déjà l'équivalent de 1 500 pages imprimées, le contenu semble être rigoureux, abondamment sourcé et enrichi de nombreux exemples. Un des chapitres traite précisément de notre sujet : Pronom relatif dont – îlots prépositionnels – locutions prépositives. L'auteur cite venir à bout et se trouver en possession, et ajoute un certain nombre d'exemples, parmi lesquels vivre à l'écart et aller à l'encontre. On peut retenir cette note :
Grevisse dit simplement que dont peut être complément de à bout et en possession : Une dernière défense […] dont le médecin venait facilement à bout. Il mentionne le fait que Hanse permet aussi à l'écart. Hanse, dans son dictionnaire des difficultés, est un peu plus vague et parle de certaines « locutions figées » : il mentionne effectivement être à l'écart, ainsi que faire du cas et venir à bout.
J'ai découvert il y a quelques jours un site assez étonnant : http://gabrielwyler.com/page000.html. Celui-ci propose un manuel de grammaire française entièrement gratuit écrit par un certain Gabriel Wyler qui ne se présente pas, et sur lequel je n'ai trouvé aucune information. Le manuel en question est encore en cours de rédaction (celle-ci semble avoir commencé l'année dernière), comporte déjà l'équivalent de 1 500 pages imprimées, le contenu semble être rigoureux, abondamment sourcé et enrichi de nombreux exemples. Un des chapitres traite précisément de notre sujet : Pronom relatif dont – îlots prépositionnels – locutions prépositives. L'auteur cite venir à bout et se trouver en possession, et ajoute un certain nombre d'exemples, parmi lesquels vivre à l'écart et aller à l'encontre. On peut retenir cette note :
- La proposition *les difficultés à bout desquelles il ne viendra jamais est agrammaticale. La séparation de venir et de à bout est plus désagréable que la violation du principe de l'îlot prépositionnel.
- Pourtant, on dit aussi, ce qui est préférable : Une défense à bout de laquelle il viendra. — Des images […] en possession desquelles j’allais entrer (Proust, Rech., t. III, p. 330).
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Je ne dirai pas que la mariée est trop belle, mais l'abondance des études de cas sur ce site fait qu'on s'y perd un peu. Les livres didactiques offrent une facilité de consultation qu'on ne trouve pas là. Et surtout, ils se mettent à la portée du profane.
C'est souvent très technique, et cela dépasse l'amateur.
J'ai juste un peu tiqué sur la rubrique » nous contacter », ce verbe étant condamné comme anglicisme non conforme à la langue française :
L'emploi de ce terme est à déconseiller en dehors du langage du commerce international, du renseignement ou de la clandestinité. (Académie française).
C'est souvent très technique, et cela dépasse l'amateur.
J'ai juste un peu tiqué sur la rubrique » nous contacter », ce verbe étant condamné comme anglicisme non conforme à la langue française :
L'emploi de ce terme est à déconseiller en dehors du langage du commerce international, du renseignement ou de la clandestinité. (Académie française).
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Passionnant.
Je retiens :
Cette difficulté, dont il est venu à bout, l'avait longtemps arrêté.
Il s'agit d'un mouvement artistique dont elle s'est toujours tenue à l'écart.
Ne vendez surtout pas ce vase, dont vous êtes entrés en possession de manière si originale.
Mais je trouve un peu bizarre cette dernière phrase, tandis que celle-ci, que semble accepter WYLER, me paraît incongrue :
Le principe de précaution, dont personne ne va totalement à l'encontre, est parfois contesté.
Si je devais rester proche de cette formulation, je n'écrirais et dirais que :
Le principe de précaution, à l'encontre duquel personne ne va totalement, est parfois contesté.
Mais on peut aussi exprimer la même idée sans utiliser « aller à l'encontre de » !
Je retiens :
Cette difficulté, dont il est venu à bout, l'avait longtemps arrêté.
Il s'agit d'un mouvement artistique dont elle s'est toujours tenue à l'écart.
Ne vendez surtout pas ce vase, dont vous êtes entrés en possession de manière si originale.
Mais je trouve un peu bizarre cette dernière phrase, tandis que celle-ci, que semble accepter WYLER, me paraît incongrue :
Le principe de précaution, dont personne ne va totalement à l'encontre, est parfois contesté.
Si je devais rester proche de cette formulation, je n'écrirais et dirais que :
Le principe de précaution, à l'encontre duquel personne ne va totalement, est parfois contesté.
Mais on peut aussi exprimer la même idée sans utiliser « aller à l'encontre de » !