Chorale ?

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Jacques
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Chorale ?

Message par Jacques »

Je dois vivre une période de résurgence lexicale car, après la grabouille du patois d’Ardenne, il me revient ce jour un mot fort peu courant, lié aux Petits chanteurs à la croix de bois auxquels l’abbé Maillet (devenu monseigneur) avait taillé une renommée internationale. C’était du grand art.
Ce qui m’a toujours intrigué, c’est qu’on parlait de la « manécanterie » des Petits chanteurs.
Je n’ai jamais lu ou entendu ce terme en d’autres occasions. Il a déjà, par lui-même, de quoi surprendre. Il sonne étrangement, et dégage quelque chose d’indéfinissable, archaïque certes mais bien davantage : bizarre, mystérieux, presque ésotérique. Comme si on pénétrait au cœur du religieux, bien qu’il ait fini par prendre aussi un sens laïque. Je crois, cependant, que nous serions surpris d’entendre un jour parler de la « manécanterie municipale » de telle commune.
Je ne vois pas bien quelle différence il peut présenter avec chorale, mot d’usage courant et bien compris de tout le monde. D’après Alain Rey, c’est un emprunt tardif (première moitié du XIXe siècle) au latin médiéval, ce que confirme l’Académie :
XIXe siècle. Emprunté du latin médiéval manecantaria, manicantaria, de même sens.
1. Anciennt. Maîtrise de chanteurs de matines. 2. École paroissiale qui formait des enfants pour le chant et le service des offices. Par ext. Maîtrise formant des enfants au chant choral religieux ou profane. La manécanterie des Petits chanteurs à la croix de bois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Je n'ai jamais entendu le mot manécanterie qu'associé aux célèbres Petits chanteurs à la croix de bois. Le mot le plus employé pour désigner ces écoles formant des jeunes au chant choral est « maîtrise ». Voici ce qu'on peut trouver dans un manuel d'enseignement musical de 1950, cité dans le TLFI :
« Le titre même de Maîtrise, pour désigner le choeur d'enfants attaché à une église est particulier à la France, où l'on emploie aussi, en certaines régions, les termes plus archaïques de Manécanterie et de Psallette; à l'étranger, le titre de Chapelle est préférablement employé. Mais, depuis quelques années, c'est le vocable très antique de Schola cantorum (...) qui recommence à prédominer pour les choeurs d'église (Brenet,Dict. prat. et hist. mus.,1926, p. 236).Bien que la manécanterie des Petits Chanteurs à la Croix de Bois soit restée fidèle à la musique religieuse ancienne (...) il y a longtemps qu'elle a mis à son répertoire des oeuvres modernes, profanes ou sacrées. André Caplet, Darius Milhaud, Francis Poulenc ont écrit spécialement pour elle (Enseign. mus., 2, 1950, p. 10) ».

Psallette rejoint manécanterie dans le registre des termes rares. Maîtrise semble le terme le plus employé. Chorale désigne un ensemble vocal sans but pédagogique affiché ni connotation religieuse particulière.

À propos de schola cantorum, celle de Bâle (schola cantorum basiliensis) est une école qui forme principalement à la musique ancienne, vocale et instrumentale. Elle a vu passer des musiciens de renom tels Gustav Leonhardt, Jordi Savall et Hopkinson Smith.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Jacques
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Message par Jacques »

Voilà qui confirme le caractère rarissime de ce mot. Merci pour ces informations qui font la mise au point. Psallette est amusant, je n'en ai jamais entendu parler.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Les Mélanges de grammaire et de lexicologie... de 1991 se penchent sur la question des manécanteries
http://books.google.co.uk/books?id=VnFW ... ie&f=false

Daudet en parle de façon amusante dans Le petit Chose.
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Jacques
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Message par Jacques »

Le choix de Martin et Berthier, d'après le texte, pourrait bien avoir été guidé par une volonté de se faire une célébrité grâce au côté insolite du mot manécanterie qui, étant donné sa rareté et la méconnaissance qu'on en a, retient forcément l'attention. Maîtrise des petits chanteurs à la croix de bois avait des chances de passer inaperçu à cause de sa banalité.
Ce serait donc en un sens une espèce de « coup de pub ».
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Islwyn a écrit :Les Mélanges de grammaire et de lexicologie... de 1991 se penchent sur la question des manécanteries
http://books.google.co.uk/books?id=VnFW ... ie&f=false
Peut-être voit-on là que manécanterie et psallette concernent uniquement des garçons, tandis que maîtrise et chorale seraient mixtes.
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Claude
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Message par Claude »

Et les filles seules ? :wink:
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Jacques
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Message par Jacques »

Claude a écrit :Et les filles seules ? :wink:
Il n'y a pas de raison pour qu'elles soient mises à part. Relisons ci-dessus la définition de l'Académie, on y trouve ceci :
École paroissiale qui formait des enfants pour le chant et le service des offices. Par ext. Maîtrise formant des enfants au chant choral religieux ou profane.
Il est écrit des enfants, pas des garçons. Les deux étaient donc compris.
Cette définition est celle de la 9e édition, on ne trouve pas le mot avant.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit :[ Relisons ci-dessus la définition de l'Académie, on y trouve ceci :
École paroissiale qui formait des enfants pour le chant et le service des offices. Par ext. Maîtrise formant des enfants au chant choral religieux ou profane.
Il est écrit des enfants, pas des garçons. Les deux étaient donc compris.
Cette définition est celle de la 9e édition, on ne trouve pas le mot avant.
Certes. Mais en réalité, jusque dans les années quatre-vingt, le service des offices, assuré par les enfants de chœur, était réservé aux garçons. Je lis d'ailleurs sur Wikipédia (Servant d'autel) :

L'enfant chantant dans le chœur. Avant la Révolution française, puis au XIXe siècle

En France (de même que dans les autres pays d'Europe, catholiques et protestants), jusqu'à la Révolution ou au-delà, les enfants de chœur jouaient un rôle spécifique dans le chant d'Église (le chant grégorien - ou plain-chant - ainsi que la musique polyphonique).

Ils entraient aux alentours de 7 ans dans une école (la psallette), attachée à un chapitre cathédral ou collégial (donc à une cathédrale ou à une église collégiale). Cette école portait aussi (et porte encore aujourd'hui) le nom de "maîtrise" (appelée quelquefois "manécanterie" au XIXe siècle de même qu'au XXe).

Là, les jeunes garçons étaient placés sous la direction du maître de psallette qui leur apprenait de manière approfondie le plain-chant et plus largement la technique du chant, le tout assorti des principes de la musique. Ils pouvaient également se former à ces autres techniques savantes que sont le contrepoint, l'harmonie et la composition.


L'espoir que les enfants de chœur deviennent prêtres était présent à l'esprit du clergé.
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Jacques
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Message par Jacques »

Nous sommes bien d'accord, et j'ai tout de suite pensé que dans les faits, il ne pouvait guère y avoir que des garçons. Mais en théorie, les filles n'étaient pas explicitement exclues. Il n'y avait donc aucune raison de créer une appellation spécifique pour des maîtrises de filles.
Il y a là probablement de l'hypocrisie.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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