Imposition
- Jacques
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Imposition
Je ne veux pas interférer sur un autre sujet au risque de l'éclipser. Je repars donc du lien donné par Shadock90, qui mène à un texte de Wikipedia sur le prix de la Carpette anglaise. Je trouve dans la liste des élus : Romano Prodi, président de la Commission européenne pour l’affaire de l’étiquetage en anglais des produits alimentaires, et l’imposition de l’anglais comme langue unique de négociation pour l’élargissement européen.
Je ne parlerai pas de faute, mais je note un emploi inhabituel du mot imposition et m'interroge sur sa légitimité.
Certes, le terme est tentant et vient spontanément à l'esprit. Il en va de même, par exemple, pour signalement. On ne peut pas parler de barbarismes, car ils sont régulièrement formés selon les principes de la dérivation lexicale et leur sens paraît naturel.
Pourtant, les dictionnaires d'usage ne connaissent que l'imposition des mains, l'acte fiscal qui consiste à taxer un revenu ou un capital, et une procédure d'imprimerie.
Je relève toutefois, dans le dictionnaire de l'Académie, quelque chose qui ressemble à une ouverture vers cette acception : Action de commander, d'infliger. L'imposition d'une pénitence.
La question se situe directement dans la devise de l'association Défense de la langue française, inscrite sur la page de couverture de notre revue : Ni laxisme ni purisme.
Nous sommes encore placés devant le dilemme qui résulte d'un vide lexical. Faut-il accueillir favorablement ces néologismes ?
Je ne parlerai pas de faute, mais je note un emploi inhabituel du mot imposition et m'interroge sur sa légitimité.
Certes, le terme est tentant et vient spontanément à l'esprit. Il en va de même, par exemple, pour signalement. On ne peut pas parler de barbarismes, car ils sont régulièrement formés selon les principes de la dérivation lexicale et leur sens paraît naturel.
Pourtant, les dictionnaires d'usage ne connaissent que l'imposition des mains, l'acte fiscal qui consiste à taxer un revenu ou un capital, et une procédure d'imprimerie.
Je relève toutefois, dans le dictionnaire de l'Académie, quelque chose qui ressemble à une ouverture vers cette acception : Action de commander, d'infliger. L'imposition d'une pénitence.
La question se situe directement dans la devise de l'association Défense de la langue française, inscrite sur la page de couverture de notre revue : Ni laxisme ni purisme.
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Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Jacques-André-Albert
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- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
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Pour moi, le mot imposition dans le sens d'infliger quelque chose à quelqu'un convient parfaitement dans ce cas. C'est le substantif qui correspond au deuxième sens d'imposer, qui est de « Faire subir, faire exécuter, faire accepter ou admettre par autorité, par force, par nécessité ».
Si, de surcroît, on tient compte du fait que le premier sens, celui de « mettre dessus » est vieilli ou littéraire (selon le TLFI), ce sens d'imposition correspond à l'usage dominant du verbe imposer, qui sous-entend une contrainte.
Si, de surcroît, on tient compte du fait que le premier sens, celui de « mettre dessus » est vieilli ou littéraire (selon le TLFI), ce sens d'imposition correspond à l'usage dominant du verbe imposer, qui sous-entend une contrainte.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Pour le Robert DHLF d'Alain Rey, Aux sens d'«action de contraindre» (1694) et d'«injonction» (av. 1755), il est sorti d'usage. Comme j'aimerais connaître les raisons de cette désuétude ! « Injonction », utilisé par le DHLF, ne peut se substituer à imposition dans l'imposition de l'anglais comme langue unique. Obligation ne serait peut-être pas si mal. Toutefois une réintroduction d'imposition en français, dans le sens qu'il a dans la phrase de R. PRODI, ne me scandalise pas. Je crois bien l'avoir déjà utilisé ainsi, sans être conscient de sa désuétude.
- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Il est surprenant, en effet, que ce sens ait été abandonné, d'autant qu'il n'y a rien pour le remplacer. Il existe un monde de différence entre injonction et imposition. On peut toujours, à ses risques et périls, désobéir à une injonction, mais on n'échappe pas à une imposition.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Je n'ai pas suffisamment réfléchi avant d'imaginer cette substitution, que ne propose pas le DHLF : il indique bien que « action de contraindre » et « injonction » sont deux sens désuets différents (Aux sens...) d'imposition.Jacques a écrit : Il existe un monde de différence entre injonction et imposition. On peut toujours, à ses risques et périls, désobéir à une injonction, mais on n'échappe pas à une imposition.
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
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Le dictionnaire de l'Académie n'a pas varié, à part un style rédactionnel un peu différent, de la première à la huitième édition, sur le sens du mot imposition :
Action d'imposer. Il n'est d'usage au propre que dans l'expression L'imposition des mains. Les apôtres ont fait de nombreux miracles par l'imposition des mains. Les fidèles reçoivent le Saint-Esprit par l'imposition des mains.
Il se dit aussi, figurément, de l'Action d'imposer quelque chose de pénible, d'onéreux. L'imposition d'une pénitence. Par extension, L'imposition sur les pianos, sur les domestiques. L'imposition sur les propriétés bâties.
L'« imposition de quelque chose de pénible » est essentiellement centrée sur le concept de taxer, de lever un impôt, et effleure tout juste le sens plus général de contraindre à une corvée, une tâche pénible, faire subir une obligation déplaisante, preuve que cette acception n'était pas vraiment prise en considération. On note que c'est le sens religieux qui domine, probablement un signe de l'influence primordiale de la religion, omniprésente pendant des siècles.
Action d'imposer. Il n'est d'usage au propre que dans l'expression L'imposition des mains. Les apôtres ont fait de nombreux miracles par l'imposition des mains. Les fidèles reçoivent le Saint-Esprit par l'imposition des mains.
Il se dit aussi, figurément, de l'Action d'imposer quelque chose de pénible, d'onéreux. L'imposition d'une pénitence. Par extension, L'imposition sur les pianos, sur les domestiques. L'imposition sur les propriétés bâties.
L'« imposition de quelque chose de pénible » est essentiellement centrée sur le concept de taxer, de lever un impôt, et effleure tout juste le sens plus général de contraindre à une corvée, une tâche pénible, faire subir une obligation déplaisante, preuve que cette acception n'était pas vraiment prise en considération. On note que c'est le sens religieux qui domine, probablement un signe de l'influence primordiale de la religion, omniprésente pendant des siècles.
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Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, Jacques, en ce qui concerne la lecture de l'article du dictionnaire de l'Académie. Il me semble que quelque chose de pénible d'une part, imposition d'une pénitence de l'autre confirment le sens ancien attesté par le DHLF et, en contradiction avec ce dernier, accréditent même l'idée que le mot n'a jamais perdu son acception de contrainte, d'obligation, puisque ledit dictionnaire de l'Académie n'a pas varié.Jacques a écrit :Il se dit aussi, figurément, de l'Action d'imposer quelque chose de pénible, d'onéreux. L'imposition d'une pénitence. [/color]
L'« imposition de quelque chose de pénible » est essentiellement centrée sur le concept de taxer, de lever un impôt, et effleure tout juste le sens plus général de contraindre à une corvée, une tâche pénible, faire subir une obligation déplaisante, preuve que cette acception n'était pas vraiment prise en considération. On note que c'est le sens religieux qui domine, probablement un signe de l'influence primordiale de la religion, omniprésente pendant des siècles.
- Jacques
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Ce n'est pas exactement cela. Je remarque que l'idée de contraindre, dans un sens général, ne domine pas, l'imposition des mains n'étant pas une contrainte, mais l'action physique exprimée par la première acception : Action de poser, de mettre sur.
Nous retrouvons dans la seconde définition l'idée dominante d'une contrainte : Action de commander, d'infliger. L'imposition d'une pénitence.
Mais ce qui prévaut, c'est la contrainte financière : Spécialt. Le fait de faire payer, de prélever, en parlant d'un État ou d'une autorité administrative quelconque ; le fait de soumettre à un impôt, une contribution, une taxe. L'imposition des droits de douane. L'imposition d'une nouvelle taxe.
Le sens d'obligation pénible persiste donc au fil des siècles, mais on n'y insiste guère, et nous n'y trouvons pas la confirmation que nous cherchons, à savoir le principe essentiel lié au verbe imposer. Et Littré n'évoque même pas cette possibilité d'une chose pénible rendue obligatoire, preuve que ce n'est pas le sens majeur ni même secondaire.
Je ne trouve pas à un moment quelconque, à travers les siècles, la confirmation que le mot imposition ait été utilisé dans l'usage courant pour désigner ce fait général d'une contrainte, de la soumission à une corvée décrétée péremptoirement.
Nous retrouvons dans la seconde définition l'idée dominante d'une contrainte : Action de commander, d'infliger. L'imposition d'une pénitence.
Mais ce qui prévaut, c'est la contrainte financière : Spécialt. Le fait de faire payer, de prélever, en parlant d'un État ou d'une autorité administrative quelconque ; le fait de soumettre à un impôt, une contribution, une taxe. L'imposition des droits de douane. L'imposition d'une nouvelle taxe.
Le sens d'obligation pénible persiste donc au fil des siècles, mais on n'y insiste guère, et nous n'y trouvons pas la confirmation que nous cherchons, à savoir le principe essentiel lié au verbe imposer. Et Littré n'évoque même pas cette possibilité d'une chose pénible rendue obligatoire, preuve que ce n'est pas le sens majeur ni même secondaire.
Je ne trouve pas à un moment quelconque, à travers les siècles, la confirmation que le mot imposition ait été utilisé dans l'usage courant pour désigner ce fait général d'une contrainte, de la soumission à une corvée décrétée péremptoirement.
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