Scies et tics de langage
- Manni-Gédéon
- Messages : 1217
- Inscription : lun. 12 avr. 2010, 14:35
- Localisation : Genève (CH)
TOTAL
Le suspense* est total (*prononcé à moitié à l'anglaise...)
Telle chose est totale : il me semble que c'est un tic de langage malheureusement très répandu :
sur le site Romandie.com
dans la Tribune de Genève
dans le journal Libération ici et là
dans le Figaro
et ce ne sont que quelques exemples.
Le suspense* est total (*prononcé à moitié à l'anglaise...)
Telle chose est totale : il me semble que c'est un tic de langage malheureusement très répandu :
sur le site Romandie.com
dans la Tribune de Genève
dans le journal Libération ici et là
dans le Figaro
et ce ne sont que quelques exemples.
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
Gandhi, La Jeune Inde
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
- Klausinski
- Messages : 1295
- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
L'expression avec suspense me gêne surtout en ce qu'elle paraît relever du prêt-à-parler. Ce qui est total, ce qui est absolu, c'est notre ignorance des événements à venir. Or, certains journalistes font de longs articles sur ce qu'ils ignorent ; alors, ils disent : « le suspense est total », ou même, plus correctement, « le suspense est à son comble », mais dans les deux cas, ils ne font qu'habiller leur ignorance d'expressions toutes faites.
Dans d'autres emplois a priori semblables, le mot « total » ne me gêne pas. On dit depuis très longtemps : le renversement est total, la différence est totale, la privation est totale, etc.
Dans d'autres emplois a priori semblables, le mot « total » ne me gêne pas. On dit depuis très longtemps : le renversement est total, la différence est totale, la privation est totale, etc.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
Au sujet de l'adjectif "total", dont les abus que vous signalez sont effectifs, il me revient un souvenir que je souhaite faire connaître car il concerne un point de l'histoire de la seconde guerre mondiale qui, non seulement n'en est pas un détail, mais curieusement me semble passé inaperçu. Peut-être faudra-t-il le recaser ailleurs car ce n'est pas un tic de langage, et j'en demande pardon à celui qui devra se casser la tête à ma place, mais je suis sûr que ça va vous intéresser.
Dans le reportage intitulé "De Nüremberg à Nüremberg, on peut voir et entendre Hermann Goering, dans le box des accusés du célèbre procès, ironiser sur la mauvaise traduction d'une formule dont il est fier d'être l'auteur, en disant quelque chose comme "nicht Endlösung, aber Gesamtlösung". l'expression véritabe n'était pas "la solution finale", mais "la solution totale".
Dans le reportage intitulé "De Nüremberg à Nüremberg, on peut voir et entendre Hermann Goering, dans le box des accusés du célèbre procès, ironiser sur la mauvaise traduction d'une formule dont il est fier d'être l'auteur, en disant quelque chose comme "nicht Endlösung, aber Gesamtlösung". l'expression véritabe n'était pas "la solution finale", mais "la solution totale".
- Yeva Agetuya
- Messages : 2538
- Inscription : lun. 22 juin 2015, 1:43
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4645
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
Rappelons quand même la définition de global : « Qui est considéré en bloc, dans sa totalité, qui s'applique à un ensemble sans considérer le détail. »
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
N'étant ni historien ni linguiste, je suis très peu compétent en ce qui concerne ce que l'on a appelé la solution finale de la question juive. Aujourd'hui encore les spécialistes ne sont pas d'accord entre eux. Les deux expressions Gesamtlösung (solution globale) et Endlösung (solution finale) ont été employées. Elles n'ont effectivement pas précisément le même sens, mais les arrière-pensées de ceux qui les utilisaient étaient bien les mêmes. Il semblerait que Gesamtlösung ait été davantage utilisé dans les milieux et dans les textes officiels, Endlösung étant peut-être plus destiné au peuple. Lors du procès de Nuremberg GÖRING ne pouvait évidemment pas ne pas insister sur le mot au sens le moins dévastateur.
Ne m'en veuillez pas, Koutan, si je dois vous faire cette petite remarque : « nicht Endlösung, aber Gesamtlösung » n'est pas possible, la conjonction correspondant à notre mais après négation étant sondern et non aber. En réalité GÖRING a dit (merci, Wikipédia) :
Und jetzt kommt das entscheidende Wort, das falsch übersetzt wurde, es heißt hier nämlich: »für eine Gesamtlösung«, und nicht »für eine Endlösung«, »für eine Gesamtlösung der Judenfrage im deutschen Einflußgebiet in Europa. (Et nous voilà au mot décisif, qui a été mal traduit, il est bien dit en effet « pour une solution globale », et non « pour une solution finale », « pour une solution globale de la question juive dans la zone d'influence de l'Allemagne en Europe ») (on écrirait aujourd'hui Einflussgebiet, zone d'influence) (en allemand les guillemets ouverts sont nos guillemets fermés, et inversement ; GÖRING cite un texte).
Ne m'en veuillez pas, Koutan, si je dois vous faire cette petite remarque : « nicht Endlösung, aber Gesamtlösung » n'est pas possible, la conjonction correspondant à notre mais après négation étant sondern et non aber. En réalité GÖRING a dit (merci, Wikipédia) :
Und jetzt kommt das entscheidende Wort, das falsch übersetzt wurde, es heißt hier nämlich: »für eine Gesamtlösung«, und nicht »für eine Endlösung«, »für eine Gesamtlösung der Judenfrage im deutschen Einflußgebiet in Europa. (Et nous voilà au mot décisif, qui a été mal traduit, il est bien dit en effet « pour une solution globale », et non « pour une solution finale », « pour une solution globale de la question juive dans la zone d'influence de l'Allemagne en Europe ») (on écrirait aujourd'hui Einflussgebiet, zone d'influence) (en allemand les guillemets ouverts sont nos guillemets fermés, et inversement ; GÖRING cite un texte).
Je ne vais pas vous en vouloir, André, et même je suis content de vos rectifications. J'avais à cette fin pris la précaution d'écrire "quelque chose comme...". Je dois dire aussi que j'avais pensé à "sondern", mais mes souvenirs d'allemand scolaire, rafraîchis depuis peu par une révision lors de la scolarité de mes enfants (nous sommes lorrains), sont encore trop pauvres pour que je sache faire un choix éclairé. Peut-être avec un dictionnaire ? Göring (pas Goering) cite donc un texte ? Mais il me semblait avoir entendu dire dans ce reportage qu'il revendiquait la paternité de l'expression ? Trouvez-vous que "totale" porte un sens moins dévastateur que "finale" ?
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Vous pouvez, Koutan, écrire indifféremment GÖRING ou GOERING.
La solution finale me semble évoquer la fin des juifs, je la ressens comme plus proche de l'idée d'extermination, d'holocauste. La solution globale, et c'est ce sur quoi jouait le maréchal, pourrait évoquer l'idée qu'on allait seulement envoyer tous les juifs d'Europe dans une région lointaine.
La solution finale me semble évoquer la fin des juifs, je la ressens comme plus proche de l'idée d'extermination, d'holocauste. La solution globale, et c'est ce sur quoi jouait le maréchal, pourrait évoquer l'idée qu'on allait seulement envoyer tous les juifs d'Europe dans une région lointaine.
-
- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
- Perkele
- Messages : 12915
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
- Localisation : Deuxième à droite après le feu
Je n'entends rien à l'allemand, mais je ne puis m'empêcher de rapprocher cette expression de la plus récente "globalisation" que nous appelons en France la "mondialisation".
Aurait-il été question d'une solution pour le globe / monde ?
J'avoue en effet que je n'ai jamais vraiment compris en quoi cette "solution" était finale. Un "aboutissement final" n'aurait pas grand sens... à moins qu'il ne s'agisse d'une "dissolution" ? Je comprendrais mieux "anéantissement global"
Aurait-il été question d'une solution pour le globe / monde ?
J'avoue en effet que je n'ai jamais vraiment compris en quoi cette "solution" était finale. Un "aboutissement final" n'aurait pas grand sens... à moins qu'il ne s'agisse d'une "dissolution" ? Je comprendrais mieux "anéantissement global"
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.