« TOUT » SUIVI D'UNE NÉGATION
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« TOUT » SUIVI D'UNE NÉGATION
D'un écrivain je dis :
Tout ce qu'il a écrit ne me plaît pas.
Cette phrase ne signifie pas que rien de ce qu'il a écrit ne trouve grâce à mes yeux, mais que son œuvre est composée de livres que j'aime et d'autres que je trouve médiocres. Malgré les apparences, la négation ne porte pas sur le verbe plaire, mais sur le pronom indéfini tout. Il s'agit, me semble-t-il, d'un gallicisme. Je ne connais en tout cas aucun équivalent dans une autre langue. En allemand par exemple on dira : Nicht alles, was er geschrieben hat, gefällt mir ([Ne] pas tout, ce qu'il a écrit, me plaît).
Dans un reportage concernant les inondations récentes sur la Côte-d'Azur j'ai entendu l'autre jour : « Tout ce qui a pris l'eau ne pourra pas être réparé ». Or tout le contexte indiquait – et c'est très certainement ce que voulait dire le journaliste – que rien n'était réparable. Ledit journaliste n'avait manifestement pas à l'esprit la fin de sa phrase, avec la négation, quand il en a prononcé le début, il aurait probablement pu la formuler correctement ainsi : « Tout ce qui a pris l'eau est irréparable ». Ou de cette manière : « Rien de ce qui a pris l'eau ne pourra être réparé ».
Peut-être nous direz-vous, Islwyn, comment on peut maîtriser un point aussi délicat de la langue française quand on ne l'apprend pas comme locuteur natif. Et, malgré la légère digression que cela représenterait, je serais curieux d'apprendre la manière de dire cela en anglais.
Tout ce qu'il a écrit ne me plaît pas.
Cette phrase ne signifie pas que rien de ce qu'il a écrit ne trouve grâce à mes yeux, mais que son œuvre est composée de livres que j'aime et d'autres que je trouve médiocres. Malgré les apparences, la négation ne porte pas sur le verbe plaire, mais sur le pronom indéfini tout. Il s'agit, me semble-t-il, d'un gallicisme. Je ne connais en tout cas aucun équivalent dans une autre langue. En allemand par exemple on dira : Nicht alles, was er geschrieben hat, gefällt mir ([Ne] pas tout, ce qu'il a écrit, me plaît).
Dans un reportage concernant les inondations récentes sur la Côte-d'Azur j'ai entendu l'autre jour : « Tout ce qui a pris l'eau ne pourra pas être réparé ». Or tout le contexte indiquait – et c'est très certainement ce que voulait dire le journaliste – que rien n'était réparable. Ledit journaliste n'avait manifestement pas à l'esprit la fin de sa phrase, avec la négation, quand il en a prononcé le début, il aurait probablement pu la formuler correctement ainsi : « Tout ce qui a pris l'eau est irréparable ». Ou de cette manière : « Rien de ce qui a pris l'eau ne pourra être réparé ».
Peut-être nous direz-vous, Islwyn, comment on peut maîtriser un point aussi délicat de la langue française quand on ne l'apprend pas comme locuteur natif. Et, malgré la légère digression que cela représenterait, je serais curieux d'apprendre la manière de dire cela en anglais.
- Islwyn
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Bonne question !
J'aurais certainement compris comme vous la phrase du journaliste :
« Tout ce qui a pris l'eau ne pourra pas être réparé » = pas tout de ce qui a pris l'eau pourra être réparé, laissant penser que certaines choses le pourront.
Quant à l'anglais, on aurait dit dans pareilles circonstances « nothing that's damaged by water can be repaired » ou (moins probablement*) « everything that's damaged by water cannot be repaired ».
Si on voulait impliquer que certaines réparations seront quand même possibles, on dirait « not everything that's damaged by water can be repaired ».
* Moins probablement parce que « everything » en tête de phrase supposerait une suite positive.
** Vu le message précédent, j'ai cru inutile de fournir des traductions.
J'aurais certainement compris comme vous la phrase du journaliste :
« Tout ce qui a pris l'eau ne pourra pas être réparé » = pas tout de ce qui a pris l'eau pourra être réparé, laissant penser que certaines choses le pourront.
Quant à l'anglais, on aurait dit dans pareilles circonstances « nothing that's damaged by water can be repaired » ou (moins probablement*) « everything that's damaged by water cannot be repaired ».
Si on voulait impliquer que certaines réparations seront quand même possibles, on dirait « not everything that's damaged by water can be repaired ».
* Moins probablement parce que « everything » en tête de phrase supposerait une suite positive.
** Vu le message précédent, j'ai cru inutile de fournir des traductions.
Dernière modification par Islwyn le ven. 09 oct. 2015, 13:55, modifié 1 fois.
Quantum mutatus ab illo
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Merci de me faire progresser en anglais, j'en ai grand besoin.
Je me dis que beaucoup d'étrangers apprenant le français ne doivent pas saisir au début de leur apprentissage la nuance contenue dans « tout... ne... pas... ».
Vous avez compris vous-même que cela n'est pas le sens que j'ai donné à la phrase que j'entendais, parce que je savais que le journaliste s'exprimait mal, mais c'est bien celui qu'elle a stricto sensu.Islwyn a écrit :J'aurais certainement compris comme vous la phrase du journaliste :
« Tout ce qui a pris l'eau ne pourra pas être réparé » = pas tout de ce qui a pris l'eau pourra être réparé, laissant penser que certains choses le pourront.
Je me dis que beaucoup d'étrangers apprenant le français ne doivent pas saisir au début de leur apprentissage la nuance contenue dans « tout... ne... pas... ».
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
L'anglais et l'allemand sont donc comparables sur ce point.Islwyn a écrit :Si on voulait impliquer que certaines réparations seront quand même possibles, on dirait « not everything that's damaged by water can be repaired ».
Remarque : en français, dans la phrase employée correctement avec ne... pas..., on peut supprimer pas :
« Tout ce qui a pris l'eau ne pourra être réparé » (que je trouve même plus élégant) vaut « Tout ce qui a pris l'eau ne pourra pas être réparé ».
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Bizarrement, il semblerait que ce ne soit pas possible dans tous les cas, par exemple pour « Tout ce qu'il a écrit ne me plaît pas ».André (G., R.) a écrit :Remarque : en français, dans la phrase employée correctement avec ne... pas..., on peut supprimer pas :
« Tout ce qui a pris l'eau ne pourra être réparé » (que je trouve même plus élégant) vaut « Tout ce qui a pris l'eau ne pourra pas être réparé ».
- Ernest de la Coquecigrue
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- Inscription : mer. 30 oct. 2013, 11:57
La question est traitée, du moins dans la dernière édition, au paragraphe §640 – Tout et la négation. ![[sourire] :)](./images/smilies/icon_smile.gif)
J'en reproduis ici les grandes lignes :![[clin d'oeil] ;)](./images/smilies/icon_wink.gif)
![[sourire] :)](./images/smilies/icon_smile.gif)
J'en reproduis ici les grandes lignes :
- Dans les phrases du type Tout … n’est pas (ou tout … n’est plus, tout … n’est jamais), la négation porte ordinairement sur tout : celui qui parle « s’oppose à un jugement universel » (Tobler, Mél., p. 247) et exprime « la négation de la totalité » (Andersson, 1954, p. 106).
Tout ce qui reluit n’est pas or.
Parfois la négation tombe sur le verbe : celui qui parle « rend universel son jugement négatif » (Tobler) et exprime « la totalité de la négation » (Andersson).
Tous ceux qui se soumettront ne seront pas punis.
Quand on veut que la négation porte sur le second membre, il est préférable, pour éviter l’amphibologie, soit de supprimer tous, soit d’employer aucun, nul, pas un, personne… : Aucun de ceux qui se soumettront ne sera puni.
![[clin d'oeil] ;)](./images/smilies/icon_wink.gif)
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Les ingrédients, certes, mais Grevisse considère apparemment comme correcte l'option consistant à faire porter la négation sur le verbe : contrairement à ce que je pensais, la phrase du journaliste dont j'ai parlé ci-dessus serait alors acceptable dans le sens « Rien de ce qui a pris l'eau ne pourra être réparé ». J'ai bien du mal à m'en convaincre et l'ambiguïté ainsi créée me gêne beaucoup.Ernest de la Coquecigrue a écrit :Parfois la négation tombe sur le verbe : celui qui parle « rend universel son jugement négatif » (Tobler) et exprime « la totalité de la négation » (Andersson).
Tous ceux qui se soumettront ne seront pas punis.
En fin de compte, on y retrouve tous les ingrédients du message original d'André.
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- Ernest de la Coquecigrue
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My bad! J'ai lu les derniers messages trop vite.Islwyn a écrit :J'ai bien vu cette section de Grevisse, mais ce que j'avais cherché chez lui est quelque commentaire sur l'omission du pas dont parle André (G., R.) et dont justement Grevisse ne dit rien.
![[triste] :(](./images/smilies/icon_sad.gif)
Dans ce cas, peut-être cherchez-vous les paragraphes §1013 – Ne employé obligatoirement seul et surtout §1014 – Ne employé facultativement seul ? Dans l'exemple de G. R. André, c'est probablement le verbe employé qui autorise la suppression de pas. Grevisse (comme Girodet) cite notamment cesser, oser, pouvoir et savoir.
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Probablement une affaire d'usage. Je ne vois pas à quelle règle cela répondrait.Ernest de la Coquecigrue a écrit : Dans l'exemple de G. R. André, c'est probablement le verbe employé qui autorise la suppression de pas. Grevisse (comme Girodet) cite notamment cesser, oser, pouvoir et savoir.
Merci, Ernest.