Utilisation du nom collectif " la plupart"

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BernardMatu
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Utilisation du nom collectif " la plupart"

Message par BernardMatu »

Bonjour,

Quelqu'un pourrait-il me donner une explication à propos de l'emploi du nom collectif " la plupart " ?
Si l'on tient compte de la règle suivante :
Lorsque le verbe a pour sujet un nom collectif singulier (foule, multitude, tas, etc.) accompagné de son complément, le verbe se met au singulier ou au pluriel selon le sens. La multitude des couleurs donnait un air de fête à l'assemblée (C'est la multitude qui donne un air de fête). Une foule de questions lui venaient à l'esprit (Ce sont les questions qui viennent à l'esprit).
comment se fait-il que le verbe ne s'accorde jamais avec "la plupart" mais toujours avec le complément ? Par exemple " la plupart des couleurs sont " et par contre " la multitude des couleurs est" ! Ce qui contredit la règle.

Merci d'avance !
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Bonjour,

Je pense que c'est dû au caractère figé de l'expression la plupart, dont on ne perçoit plus le sens (la plus grande part) et qui ne peut être employé comme substantif. Vous pouvez parler d'une multitude, mais pas d'une « plupart ».
Notez que le TLFI donne des exemples d'accord dans la littérature, accord qualifié de vieilli ou littéraire :
Le verbe ayant pour sujet la plupart, suivi ou non d'un compl., s'accorde gén. par syllepse avec le compl. (masc. plur. au sens C 2). Cependant, l'accord se fait parfois avec la plupart (vieilli, littér.). La plupart n'avait plus même ni terre, ni abri, plus d'autres dieux domestiques que les aigles des légions (Michelet, Hist. romaine, t.2, 1831, p.111). La plupart avait de petits carnets, pour n'oublier personne (Zola, L'OEuvre, 1886, p.301).
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Le Robert en six volumes signale pareillement que « L'accord, dans la langue ancienne, se faisait aussi avec la plupart et non avec son complément au pluriel ».
Mais il faut accepter certaines évolutions de la langue. Qui aurait l'idée de dire « Beaucoup de gens est présent » ? Pourtant beaucoup est composé de beau et de coup, nom singulier.
Dans « Ces couleurs ne me plaisent pas, la plupart sont trop vives », la plupart est mis pour la plupart de ces couleurs ou la plupart d'entre elles. Or la plupart de n'est plus ressenti comme un nom suivi d'une préposition, mais comme une sorte de locution adverbiale ou prépositionnelle. Par ailleurs l'accord d'intention se pratique en français. Si la plus grande part de n'avait pas évolué vers la plupart de, le pluriel ne serait pas inenvisageable à sa suite, comme après une dizaine de ou un grand nombre de.
Le sujet a été brièvement traité ici, par exemple.
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :Le sujet a été brièvement traité ici, par exemple.
Il y est dit que :
Avec le collectif singulier la plupart, l'accord se fait toujours au pluriel, qu'il y ait un complément de nom ou pas.
Il y a des cas, assez rares il est vrai et vieillis, où "plupart" a pour complément de nom un singulier, et dans ce cas, l'accord se fait naturellement au singulier :
La plupart du monde pense que...
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Hormis que dans l'expression la plupart du temps , voit-on erreur à utiliser la plupart suivi d'un singulier ? Je note que TLFi marque cet emploi « vieux » (p. ex. « la plupart du genre humain », « la plupart de mon âme »).
Le message de Leclerc92 a croisé le mien.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

À propos de l'accord qui suit « la plupart », il faut aussi noter l'accord litigieux après « une centaine », « une dizaine », etc. J'ai entendu, ce matin, « une centaine de passagers a été bloquée ». L'application stricte de l'accord m'étonne toujours. Une centaine n'est-il pas synonyme de « cent passagers environ » ?
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Perkele
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Message par Perkele »

Pour moi une centaine, c'est précisément cent, comme une douzaine est précisément douze.

Je n'achète jamais douze œufs environ.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Tout dépend du contexte. Quand j'achète une douzaine d'œufs, c'est toujours douze œufs précisément. Mais quand je dis que j'ai croisé une douzaine de personnes dans la rue, c'est une approximation, je ne les ai pas obligatoirement comptées, et à fortiori pour une centaine. Le TLFI indique cet emploi imprécis par extension.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

De retour des Alpes, je suis passé hier par la région de la Septaine (\sɛp.tɛn\), proche de Bourges. Malheureusement il semble difficile d'obtenir des renseignements fiables sur l'origine de ce nom propre. Dans le nom commun correspondant le p n'est pas prononcé.
Ces substantifs en -aine évoquent pour moi d'abord l'approximation. Une huitaine de jours me semble pouvoir n'en comporter que sept. Toutefois l'imprécision desdits noms augmente, selon moi, avec la valeur des numéraux cardinaux sur lesquels ils sont formés : une « cinquantaine de personnes » ne sont dans ma bouche presque jamais précisément cinquante, tandis que, comme vous l'avez expliqué, Perkele, il me paraîtrait inacceptable de ne trouver qu'onze œufs dans un emballage prévu pour une douzaine. Et je suis habitué à ce qu'on me donne treize huîtres quand j'en demande une douzaine à l'achat !
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Perkele
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Message par Perkele »

Le "treize à la douzaine" est peut-être la plus ancienne incitation à l'achat.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Astragal
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Message par Astragal »

Une huitaine de jours, c'est huit ou environ huit jours, je suis d'accord. Il en va de même pour une cinquantaine de personnes. Si je dis : « J'ai vu une dizaine de personnes. », je ne suis pas certain du nombre exact. En revanche si j'achète une douzaine d'huîtres, je m'attends à en payer exactement douze. Il me semble que lorsqu'il s'agit d'œufs, d'escargots ou d'huîtres, le terme douzaine correspond précisément à douze.
C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort. (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Ceux qui apprennent le français en langue étrangère seraient parfois en droit de se poser des questions sur la logique de notre langue : « dans huit jours » et « dans quinze jours » signifient généralement dans une semaine, c'est-à-dire dans sept jours, pour le premier, et dans deux semaines, donc dans quatorze jours, pour le second !
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Justement, ça, c'est très logique, c'est juste une question d'intervalles.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

On dit tout de même aussi que l'on passe huit ou quinze jours à tel endroit quand il s'agit d'y passer en réalité sept ou quatorze jours !
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques-André-Albert a écrit : Une centaine n'est-il pas synonyme de « cent passagers environ » ?
Comment ne pas vous approuver ? Ne risque-t-on pas de lire un jour « Un million de personnes était présent » ?
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