Jargon scolaire
- Yeva Agetuya
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Jargon scolaire
Impolitiquement correct
La chronique de Martina Chyba, journaliste et productrice à la RTS.
Désolée je ne peux pas m’en empêcher. Je craaaque. Amatrice inconditionnelle de la novlangue pédante, bureaucratique et politiquement correcte, je me dois de partager les dernières découvertes. Déjà cet été, j’ai adoré les campings qui ne veulent plus qu’on les appelle les campings parce que ça suscite instantanément dans l’esprit des gens l’image de Franck Dubosc en moule-boules ou de Roger et Ginette à l’apéro avec casquette Ricard et claquettes Adidas. Donc les professionnels de la branche demandent que l’on dise désormais «hôtellerie en plein air». Haha. J’ai aussi appris que je n’étais pas petite mais «de taille modeste» et qu’un nain était une «personne à verticalité contrariée». Si, si.
Mais rendons à César ce qui lui appartient, l’empereur du genre reste le milieu scolaire et ses pédagos à gogo. J’étais déjà tombée de ma chaise pendant une soirée de parents quand la maîtresse a écrit sur le tableau que nos enfants allaient apprendre à manier «l’outil scripteur» au lieu de tenir un crayon. Je me suis habituée au fait que les rédactions sont des «productions écrites», les courses d’école des «sorties de cohésion» et les élèves en difficulté ou handicapés des «élèves à besoins éducatifs spécifiques». Mais cette année, sans discussion aucune, la mention très bien est attribuée au Conseil supérieur des programmes en France et à sa réforme du collège. Z’êtes prêts? Allons-y.
Donc, demain l’élève n’apprendra plus à écrire mais à «maîtriser le geste graphomoteur et automatiser progressivement le tracé normé des lettres». Il n’y aura plus de dictée mais une «vigilance orthographique». Quand un élève aura un problème on tentera une «remédiation».
Mais curieusement le meilleur est pour la gym… oups pardon! pour l’EPS (Education physique et sportive). Attention, on s’accroche: courir c’est «créer de la vitesse» nager en piscine c’est «se déplacer dans un milieu aquatique profond standardisé et traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête» et le badminton est une «activité duelle médiée par un volant». Ah! c’est du sportif, j’avais prévenu, Les précieuses ridicules de Molière, à côté, c’est de l’urine de jeune félidé (je n’ose pas dire du pipi de minet).
Alors, les amis, ne perdons pas ce merveilleux sens du burlesque et inventons une nouvelle catégorie: la «personne en cessation d’intelligence» autrement dit, le con.
Signé Martina Chyba, parent d’élève. Ah non, re-pardon… Martina Chyba, «génitrice d’apprenant».
https://www.migrosmagazine.ch/societe/c ... nt-correct
La chronique de Martina Chyba, journaliste et productrice à la RTS.
Désolée je ne peux pas m’en empêcher. Je craaaque. Amatrice inconditionnelle de la novlangue pédante, bureaucratique et politiquement correcte, je me dois de partager les dernières découvertes. Déjà cet été, j’ai adoré les campings qui ne veulent plus qu’on les appelle les campings parce que ça suscite instantanément dans l’esprit des gens l’image de Franck Dubosc en moule-boules ou de Roger et Ginette à l’apéro avec casquette Ricard et claquettes Adidas. Donc les professionnels de la branche demandent que l’on dise désormais «hôtellerie en plein air». Haha. J’ai aussi appris que je n’étais pas petite mais «de taille modeste» et qu’un nain était une «personne à verticalité contrariée». Si, si.
Mais rendons à César ce qui lui appartient, l’empereur du genre reste le milieu scolaire et ses pédagos à gogo. J’étais déjà tombée de ma chaise pendant une soirée de parents quand la maîtresse a écrit sur le tableau que nos enfants allaient apprendre à manier «l’outil scripteur» au lieu de tenir un crayon. Je me suis habituée au fait que les rédactions sont des «productions écrites», les courses d’école des «sorties de cohésion» et les élèves en difficulté ou handicapés des «élèves à besoins éducatifs spécifiques». Mais cette année, sans discussion aucune, la mention très bien est attribuée au Conseil supérieur des programmes en France et à sa réforme du collège. Z’êtes prêts? Allons-y.
Donc, demain l’élève n’apprendra plus à écrire mais à «maîtriser le geste graphomoteur et automatiser progressivement le tracé normé des lettres». Il n’y aura plus de dictée mais une «vigilance orthographique». Quand un élève aura un problème on tentera une «remédiation».
Mais curieusement le meilleur est pour la gym… oups pardon! pour l’EPS (Education physique et sportive). Attention, on s’accroche: courir c’est «créer de la vitesse» nager en piscine c’est «se déplacer dans un milieu aquatique profond standardisé et traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête» et le badminton est une «activité duelle médiée par un volant». Ah! c’est du sportif, j’avais prévenu, Les précieuses ridicules de Molière, à côté, c’est de l’urine de jeune félidé (je n’ose pas dire du pipi de minet).
Alors, les amis, ne perdons pas ce merveilleux sens du burlesque et inventons une nouvelle catégorie: la «personne en cessation d’intelligence» autrement dit, le con.
Signé Martina Chyba, parent d’élève. Ah non, re-pardon… Martina Chyba, «génitrice d’apprenant».
https://www.migrosmagazine.ch/societe/c ... nt-correct
- Astragal
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Arriver à prononcer : « Je vais me déplacer dans un milieu aquatique profond standardisé et traverser l’eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête. » sans reprendre sa respiration... ça, c'est du sport ! C'est un bon entrainement pour l'apnée. Eh, pardon... pour l'interruption volontaire de la ventilation dans un milieu aquatique profond standardisé.
Quand je pense que les zèbres qui ont pondu ce truc font partie de l'élite, et qu'ils sont grassement payés... ça fait froid dans le dos, j'en ai la chair de poule !
J'ai trouvé ce document, mais ce n'est peut-être pas la version la plus récente.
La phrase « Se déplacer de façon autonome, plus longtemps et plus vite, dans un milieu aquatique profond standardisé. » (p. 24) correspond aux « Compétences et attendus ».
« Nager en piscine » aurait peut-être été un peu vague. Par contre, « milieu aquatique profond standardisé » aurait clairement pu être remplacé par piscine ! Une piscine est une piscine. Appelons un chat un chat ! Chaperlipopette !
![[lève les yeux] :roll:](./images/smilies/icon_rolleyes.gif)
Quand je pense que les zèbres qui ont pondu ce truc font partie de l'élite, et qu'ils sont grassement payés... ça fait froid dans le dos, j'en ai la chair de poule !
J'ai trouvé ce document, mais ce n'est peut-être pas la version la plus récente.
La phrase « Se déplacer de façon autonome, plus longtemps et plus vite, dans un milieu aquatique profond standardisé. » (p. 24) correspond aux « Compétences et attendus ».
« Nager en piscine » aurait peut-être été un peu vague. Par contre, « milieu aquatique profond standardisé » aurait clairement pu être remplacé par piscine ! Une piscine est une piscine. Appelons un chat un chat ! Chaperlipopette !
C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort. (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)
- Jacques-André-Albert
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J'avais déjà, ici, ressorti de l'oubli l'ouvrage de Robert Beauvais, L'hexagonal tel qu'on le parle. Prenant pour emblème de ce langage de cuistres le mot « hexagone » qui se substitue au nom de notre pays, il avait créé ce substantif « hexagonal » pour railler, dès mil neuf cent soixante-dix, les productions lexicales ridicules des différents corps de métiers, ces expressions pompeuses et ridicules dont Yeva Agetuya nous cite des exemples. Je vous invite à le lire si vous voulez passer un bon moment. Il est toujours disponible.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
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En effet, tout n'est pas nouveau dans cette chronique de la journaliste suisse. Elle semble par exemple avoir découvert l'été dernier l'expression hôtellerie de plein air et commet une erreur en affirmant que cela viendrait de ce que « les campings [...] ne veulent plus qu’on les appelle les campings parce que ça suscite instantanément dans l’esprit des gens l’image de Franck Dubosc en moule-boules ou de Roger et Ginette à l’apéro avec casquette Ricard et claquettes Adidas ». L'expression est plus ancienne que le film.Jacques-André-Albert a écrit :J'avais déjà, ici, ressorti de l'oubli l'ouvrage de Robert Beauvais, L'hexagonal tel qu'on le parle. Prenant pour emblème de ce langage de cuistres le mot « hexagone » qui se substitue au nom de notre pays, il avait créé ce substantif « hexagonal » pour railler, dès mil neuf cent soixante-dix, les productions lexicales ridicules des différents corps de métiers
- Jacques-André-Albert
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Le vieillissement de ce genre de jargon est inévitable, lié qu'il est à un contexte socio-culturel et à une époque. Il reste toujours quelques sédiments. On peut faire le rapprochement avec le langage des Précieuses.Leclerc92 a écrit :Je l'ai reparcouru il n'y a pas longtemps mais j'ai trouvé que, si l'esprit général est toujours d'actualité, beaucoup d'exemples ont vieilli et paraissent artificiels.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
Ce n'est pas récent, ma sœur, "maîtresse de couture" à l'origine, s'est vue rebaptisée "animatrice d'activités créatrices" dans les années 1990.Claude a écrit :...
Plus modestement, à l'école le travail manuel est devenu arts plastiques, voire activités artistiques chez mes voisins suisses.
Ce qu'elle regrettait surtout, c'est que sa rémunération n'avait pas suivi sa soudaine promotion dans le verbiage administratif.
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