Un professeur de science politique disserte sur le sujet Le français n'est pas une langue morte. Il écrit, à propos de l'usage du « trop » à la place du « très » : Il y a de fortes chances pour que, d'ici à vingt ans, la syntaxe ait définitivement évolué au point d'accepter comme normal le « trop bien », le « trop mignon » et le « trop stylé » (mots mis en gras par moi).
Sauf erreur de ma part, l'évolution du sens des mots (« trop » devenant synonyme de « très ») relève de la sémantique et non de la syntaxe, qui concerne l'agencement de la phrase dans le respect des règles grammaticales.
« Définitivement » et « évoluer » me paraissent contradictoires.
Si l'on accepte un jour le « trop bien » comme normal, ne doit-on pas dire qu'on acceptera comme normaux le « trop bien », le « trop mignon » et le « trop stylé » ?
Je ne suis pas loin de considérer comme pléonastique « accepter comme normal ».
Par ailleurs la phrase, où je tends à voir une anacoluthe, signifie que ce sera la syntaxe qui les acceptera comme normaux.
Je préférerais les formulations suivantes :
Il y a de fortes chances que, d'ici à vingt ans, la langue ait suffisamment évolué pour qu'on trouve normaux « trop bien », « trop mignon » et « trop stylé ».
Il y a de fortes chances que, d'ici à vingt ans, la langue ait suffisamment évolué pour qu'on accepte « trop bien », « trop mignon » et « trop stylé ».
Le ministre a dit : « Ce résultat me convient ».
« Ce résultat me convient », a dit le ministre.
Le ministre a dit que le résultat lui convenait.
Dans ces phrases, dire a un COD (la partie entre guillemets ou la subordonnée conjonctive). Ces trois constructions se trouvent aussi avec les verbes répondre, affirmer, expliquer, déclarer, écrire, noter, penser...
Or on lit ou on entend de plus en plus souvent des tournures du genre « Ce résultat me convient », a réagi le ministre.
Peut-on réagir des paroles ou des idées ? Ce verbe n'est normalement pas transitif.
Ce n'est qu'une des multiples formes dénoncées depuis longtemps par Abel Hermant (il y a presque un siècle, donc avec un succès douteux comme on voit), pour les répliques introduites par des verbes qui n'ont rien à voir avec le discours mais avec l'attitude. On aurait tout aussi bien pu lire : « Ce résultat me convient », a souri le ministre.
« Ce résultat ne me convient pas », a rugi le ministre.
« Ce résultat me deplaît », s'est fâché le ministre.
Je ne serais pas surpris qu'on en ait déjà parlé, mais où ?
Ce que vous dites là correspond exactement à ce que je ressens. Je me demande aussi s'il n'a pas été question de cette affaire sur FNBL.
Je dois toutefois admettre que certains de ces verbes, par exemple les trois que vous citez, sourire, rugir, se fâcher, me gênent moins que d'autres. Pourtant grammaticalement le cas est strictement identique. Je suis incapable de m'expliquer mieux !
L'emploi de verbes dénotant l'état d'esprit ou l'état émotionnel de celui qui s'exprime est peut-être une forme écrite de nos célèbres « trombinettes » (smileys en anglais).
« Ce résultat me convient »
« Ce résultat ne me convient pas »
« Ce résultat me deplaît »
Pour sourire, rugir, se fâcher, d'accord. Mais lorsqu'il s'agit du verbe réagir, je ne suis pas sûr que l'auteur ait une trombinette à l'esprit.
Je me rends compte à l'instant que ce sujet ne convient guère à la rubrique Perles d'inculture. Je me demande si je ne le destinais pas initialement à Fautes très et trop courantes.
« Fustiger » est transitif direct : on fustige quelqu'un ou quelque chose. Il reste transitif direct lorsque son complément consiste, abusivement, en paroles rapportées.
Il n'en va pas de même pour réagir, sourire, rugir, se fâcher... qui n'ont, sauf erreur, jamais de COD dans leurs emplois corrects.
J'aurais donc une préférence pour le transfert vers Fautes très et trop courantes.
Cet emploi me fait penser au style des comptes rendus de réunion en forme intégrale où pour retranscrire les dialogues sans répéter "M. Machin dit : ... Mme Truc dit : ... M. Chose dit : ...", on varie les verbes en choisissant ceux qui ajoutent une information sur l'attitude de la personne...
Je déplore ce genre de compte rendu qui n'est pas du tout efficace. Il est plus intéressant pour agir, d'avoir les conclusions de la réunion.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Dans mon journal : 81Ce sont, à ce jour, le nombre de cas de grippe sévère, depuis le début de l'épidémie... (mot mis en gras par moi).
On peut commettre des fautes par crainte d'en commettre !
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
Oui. Une bonne moitié de lamartinisme, une petite moitié d'accord d'intention malvenu... et, pour la troisième moitié, une hypercorrection due à la crainte de la faute !