conditionnel passé après "si": si tu eusses..., j'

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Jacques
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Message par Jacques »

vous seriez, introduit par cet imparfait conditionnel que, dans certaines langues (allemand et espagnol notamment) et dans certaines régions de France (ma terre natale) on remplace par un vrai conditionnel, comme je l'ai expliqué : Si je pourrais je viendrais ; si j'aurais pu j'aurais continué. On le dit peut-être aussi dans d'autres provinces.
La question posée était de savoir si la conjonction SI pouvait introduire un condidtionnel.
J'ajoute après coup que, même en français officiellement recommandé, le conditionel se met après SI : Il m'a demandé si je viendrais ; Nous ne savions pas si vous accepteriez.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Marco
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Message par Marco »

Désolé, j’avais lu «l’emploi du conditionnel» au lieu de «l’emploi conditionnel».

Pour en revenir au si + conditionnel, je crois que pour que tout soit clair, il faut distinguer deux si : le si qui introduit une hypothèse (S’il fait beau demain, nous irons à la plage) et le si qui introduit une interrogative indirecte (Il m’a demandé si nous pourrions aller à la plage, qui correspond, en style direct, à : Il m’a demandé : « Pourrions-nous aller à la plage ? »). Le si hypothétique n’admet le conditionnel, dans la langue standard, que lorsqu’il signifie « s’il est vrai que » : S’il serait exagéré de le considérer comme fou, on peut le qualifier tout de même de marginal, où l’on sous-entend « S’il [est vrai qu’il] serait exagéré » ; le si des interrogatives indirectes, lui, admet le conditionnel.
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Jacques
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Message par Jacques »

Ah, mais voilà qui m'éclaire : il y a SI et SI. Littré développe 22 cas de SI, plus un 23e où il est employé en substantif :
23° Si, substantif, s'emploie populairement aussi pour marquer un défaut dans la chose dont il s'agit. Voilà un bon cheval ; il n'y a point de si. Quel si y trouvez-vous ?

Je m'interroge toujours sur ce parler local de ma province d'origine (je viendrais si je pourrais, s'il aurait su il aurait accepté...) qu'à l'école (parisienne) on nous disait gravement fautif. Il serait intéressant de savoir si, en ancien français, cette pratique était répandue, ou s'il s'agit d'un héritage du dialecte régional de langue d'oïl utilisé avant que le francien ne devienne la langue nationale.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Jacques a écrit :23° Si, substantif, s'emploie populairement aussi pour marquer un défaut dans la chose dont il s'agit. Voilà un bon cheval ; il n'y a point de si. Quel si y trouvez-vous ?
À une certaine époque (l’époque niaise, dirions-nous), j’avais appris par cœur le poème de Richepin qui contient cette strophe :

[Mon amour]
Ce n'est pas non plus l'amour de roman,
Faux, prétentieux, avec une glose
De si, de pourquoi, de mais, de comment.
C'est l'amour tout simple et pas autre chose.

Plus largement, c’est l’emploi autonyme dont parle Grevisse, et qui peut s’appliquer à n’importe quel mot de la langue française : « Stendhal emploie constamment trop à la place de très. Il y a trop de fort chez Stendhal. Mais c’est un fort que je préfère au trop d’aujourd’hui. »
Dernière modification par Klausinski le ven. 26 oct. 2012, 15:12, modifié 2 fois.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Marco
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Message par Marco »

J’irai voir dans le Grevisse un peu plus tard pour ce qui est de l’historique. En attendant, je peux vous dire qu’en Suisse romande, c’est une faute répandue chez les gens peu instruits : *Si j’aurais su, je ne serais pas venu.
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Marco
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Message par Marco »

Grevisse confirme ce que j’ai exposé et dit que le système actuel, dans les propositions de condition, « est bien attesté en français dès le XIIe siècle. Jusque dans le XVIe siècle, comme en latin, on employait aussi l’imparfait du subjonctif pour le verbe principal et pour le verbe de la conditionnelle (ou pour un des deux seulement). […] Cet imparfait du subjonctif est un archaïsme. »

Donc, des phrases comme *Si je pourrais, je viendrais n’ont jamais appartenu à la norme, et continuent d’être stigmatisées, s’agissant d’erreurs populaires.
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Jacques
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Message par Jacques »

Il n'y a donc pas là de survivance d'une ancienne forme. C'est une construction purement et simplement fautive. Les Ardennais de mon enfance n'étaient vraiment pas très à cheval sur l'orthodoxie de la langue ; car il y avait aussi des formules du genre il faudrait qu'il viendrait (sic), ce qui est assez difficile à digérer. Le pire est que mon père et l'une de ses cousines qui habitait non loin de chez nous ne se sont jamais corrigés après des dizaines d'années de vie parisienne.
Mais là-bas, c'est moi qu'on regardait de travers parce que je parlais « d'une drôle de façon ». Comme quoi tout est relatif.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Pour illustrer les propos de Marco sur l'emploi de l'imparfait du subjonctif à la place du subjonctif présent :
Charles d'Orléans a écrit :Mais vous, Yver, trop estes plein
De nège, vent, pluye et grézil.
On vous deust banir en éxil.
Pour ce que dit Jacques de l'emploi du conditionnel au lieu du subjonctif, il semblerait qu'ici ce dernier soit ignoré du langage populaire : il faudrait qu'il viendrait s'entend couramment.
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Marco
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Message par Marco »

Merci pour la citation. :)
Jacques-André-Albert a écrit :Pour ce que dit Jacques de l'emploi du conditionnel au lieu du subjonctif, il semblerait qu'ici ce dernier soit ignoré du langage populaire : il faudrait qu'il viendrait s'entend couramment.
C’est très étonnant pour moi : même mes élèves (qui tombent de leurs chaises lorsque je leur dis qu’en français correct après que se construit avec l’indicatif) verraient dans *Il faudrait qu’il viendrait un énoncé étranger à leur propre usage spontané.
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Jacques
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Message par Jacques »

Beaucoup d'adultes ont aussi cette réticence au sujet de l'indicatif qui suit après que. Il se trouve même (je ne sais plus où je l'ai lu) de pseudo-spécialistes pour contester cette manière de dire, qui se justifie pourtant par le sens même des modes.
En matière de déviations, on ne peut quand même pas se référer à l'usage, dès lors que ce dernier pèche contre des règles logiques et immuables.
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Claude
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Message par Claude »

Jacques a écrit :Beaucoup d'adultes ont aussi cette réticence au sujet de l'indicatif qui suit après que...
Avant de fréquenter le forum j'employais le subjonctif mais paradoxalement, lorsque je chantonnais Longtemps... (ter) après que les poètes ont disparu... je ne remarquais pas cet indicatif qui aurait dû attirer mon attention. Allez savoir pourquoi !
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Jacques
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Message par Jacques »

Il y a bien longtemps j'ai été dans la même situation, et ne me suis jamais étonné de cette différence que je ne remarquais pas.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Jacques-André-Albert a écrit :Pour illustrer les propos de Marco sur l'emploi de l'imparfait du subjonctif à la place du subjonctif présent :
Je voulais dire, bien sûr, à la place du conditionnel présent.
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Jacques
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Message par Jacques »

Errare humanum est.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

On ajoute, traditionnellement, mais c'est optionnel : « perseverare diabolicum ».
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