Je souhaite revenir sur l'expression : faire le Jacques/ faire le jacquet.
Desidrius, je ne sais pas exactement où vous voulez en venir, à supposer que vous ayez un but précis
Tout d'abors, notez que l'extrait que j'avais cité ne venait pas de
l'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux mais d'un volume publié par
l' Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique pour la classe des lettres et des sciences morales et politiques.
Ceci dit, cela revient au même, si ce n'est que l'ouvrage de référence me semble plus crédible. l'extrait en est strictement le même.
Visiblement, dans ce court extrait, si Alphonse Allais est cité , c'est pour montrer qu'il emploie le terme au sens de flatter, accepter, se plier aux exigences des supérieurs , donc en liaison avec le premier sens attesté.
Je vais y revenir...
Pour ma part, je pense qu'il s'agit bien d'une évolution française à partir du
jaque/jaquet/ jacque/jacquet de l'ancien français, tel qu'on le trouve dans ce dictionnaire de Godefroy, avec déjà l'extension domestique, valet, parasite, bouffon.
On part du sens propre ( habit d'homme serré) pour arriver par métonymie à celui qui le porte le valet, le domestique, puis le sens va passer au comportement de celui-ci fait de flatterie, de flagornerie, de flatterie, donc caractère non sincère, fourbe vis à vis des puissants ou des supérieurs hiérarchiques. Et ensuite, de faire semblant, jouer un jeu pour plaire aux grands , aux riches, pour amuser comme le bouffon, on est passé à l'idée de faire le pitre, de faire l'imbécile, de faire n'importe quoi.
Et je pense qu'il n'est nul besoin d'aller chercher un emprunt à l'anglais dans ce cas de figure.
Vous prétendez qu'il y aurait une vide immense entre une époque où on trouverait l'expression
faire le jaquet au sens de flatter, se plier, faire des fausses courbettes et
faire le Jacques au sens de faire l'idiot qui n'apparaîtrait qu'en fin du XIXème siècle.
Je pense qu'on peut trouver d'une part des formes intermédiaires montrant l'évolution de sens et d'autre part des indices de continuité.
Je tente:
A) dans le sens: flatterie , soumission aux supérieurs, fausse approbation, etc:
- 1) je rappelle cette attestation de l'évèque Amyiot, traduisant Plutarque au 16ème siècle , la citation de 1640 et les attestations d'Oudin d'expressions où le terme jacquet montre une dérision, moquerie et une origine populaire, commune des expressions.
-2) 1710: cette citation de Mémoires pour servir l'Histoire de France, citant la bibliothèque de Mme de Montpensier, dans laquelle figure l'ouvrage suivant:
- La nouvelle façon de faire le jaquet auprès des grands par le Sieur de la Guiche.
Ceci dit, cette attestation illustre à nouveau le sens de cette expression à la fin du 16ème siècle puisqu'il y figure la date de 1587.
3) Alphonse Allais: eh bien, justement, à la lecture attentive du sketch humristique que vous mettez en ligne ( il faut aller assez loin , en bas de page pour le trouver), on s'aperçoit qu'Alphonse Allais ne l'emploie pas du tout au sens de faire le mariole!
De quoi s'agit-il? rapidement:
Un commercial a eu de mauvais résultats financiers, se trouve confronté à son supérieur qui lui reproche de ne pas savoir s'y prendre avec la clientèle et de ne pas savoir se présenter correctement. Autrement dit, il remet en cause son savoir professionnel et lui demande , aux fins de vérification, d'entrer avec lui dans un jeu de rôle. C'est dans ce contexte qu'apparaît notre locution , le narrateur précisant les pensées de ce commercial:
" il n'était pas payé pour faire ainsi le jacques devant son patron et ses collègues"
Peut-on considérer que mimer son métier consiste à faire l'imbécile, le guignol? oui et non. C'est se comporter comme un bouffon , au sends ancien, amuser la galerie à la demande d'un supérieur, et ce, parce qu'il n'est pas en vraie situation de travail, parce qu'un patron, un puissant lui demande de faire quelque chose , de s'y plier et que ce ne sera pas sincère, puisque artificiel.
C'est d'ailleurs ce que la suite du sketch prouve car le commercial va entrer dans un rôle superbe qui lui permettra de ridiculiser le patron, adversaire dans ce jeu de rôles et par là de prouver son talent professionnel et ne pas être renvoyé. Ce qu'il a montré, c'est son refus de faire le jacques au gré du patron. Sens traditionnel.
B) dans le sens: faire le rigolo, faire des gamineries, faire n'importe quoi.
Vous affirmez que ce terme n'apparaît qu'à la fin du 19 ème.
Or, voici l'expression
faire le jacquet , dans cette deuxième acception , utilisé en 1781 ! Serait-ce le chaînon manquant?
Contexte: il s'agit des militaires:
"Accoutumés à voir de jeunes écoliers de Duggats galopper devant nos fronts de bandières, ou faire les jacquets devant nos lignes , les fonctions des aides- de- camp ne se sont pas présentées à leurs yeux aussi importantes que je crois les voir."
Ces jeunes écoliers qui galoppent et font les jacquets devant les lignes ne semblent pas être des gens sérieux.
Nous sommes loin de la fin du XIXème siècle, nous avons ici l'expression ancienne avec un sens très proche de l'acception moderne.
De même, nous trouverons des exemples d'expressions modernes ( faire le Jacques) dans lequel le contexte montre qu'il s'agit d'un rôle, d'une personne qui fait la bête et dont il faut se méfier, d'où la trace de la duperie, fourberie...