Relative et virgule
Relative et virgule
Caroline partie, elle en avait profité pour reculer jusqu’au mur. S’appuyant des mains contre la paroi glacée,que faisaient reluire des carreaux de céramique blanche, elle était restée un long moment debout avant de se diriger pas à pas vers le vestiaire.
Faut-il absolument une virgule avant le relatif, sous prétexte que sans celle-ci le lecteur pourrait croire qu'il existe une autre paroi glacée dans la pièce où se déroule l'action ? Je trouve que la virgule dérange.
Pour y voir plus clair voici deux exemples :
Assoiffé, il engloutit la glace, qui était sur la table du salon.
Assoiffé, il engloutit la glace qui était sur la table du salon.
Apparemment la deuxième phrase sous-entend la présence d'au moins une seconde gourmandise, juchée par exemple sur le réfrigérateur.
Un exemple très intéressant de ce qu'une virgule peut changer au sens devant un pronom relatif se trouve dans l'avant-dernier chapitre de l'évangile selon Saint-Jean :
Elle [Marie de Magdala] alla trouver Pierre et l'autre disciple que Jésus aimait.
Cette phrase anodine, si l'on y prête une grande attention, peut faire exploser des siècles d'exégèse, car l'absence de virgule (le texte grec n'en comporte évidemment pas, le signe n'ayant pas encore été inventé) indique que
1 Jésus avait deux disciples qu'il aimait d'une amour particulière
2 et que Marie de Magdala est le premier disciple bien-aimé (Pierre n'est pas un disciple bien-aimé)
Rien en grec ne permet de supposer que la relative "que Jésus aimait" est une relative caduque (que l'on peut mettre entre virgules), mais l'immense majorité des traducteurs a opté pour la virgule, ce qui donne :
Elle alla trouver Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait.
Celui-ci ne serait autre que Jean, le fils d'un pauvre pêcheur, Zébédée.
Une traduction tout à fait acceptable mais discutable quand même...
Faut-il absolument une virgule avant le relatif, sous prétexte que sans celle-ci le lecteur pourrait croire qu'il existe une autre paroi glacée dans la pièce où se déroule l'action ? Je trouve que la virgule dérange.
Pour y voir plus clair voici deux exemples :
Assoiffé, il engloutit la glace, qui était sur la table du salon.
Assoiffé, il engloutit la glace qui était sur la table du salon.
Apparemment la deuxième phrase sous-entend la présence d'au moins une seconde gourmandise, juchée par exemple sur le réfrigérateur.
Un exemple très intéressant de ce qu'une virgule peut changer au sens devant un pronom relatif se trouve dans l'avant-dernier chapitre de l'évangile selon Saint-Jean :
Elle [Marie de Magdala] alla trouver Pierre et l'autre disciple que Jésus aimait.
Cette phrase anodine, si l'on y prête une grande attention, peut faire exploser des siècles d'exégèse, car l'absence de virgule (le texte grec n'en comporte évidemment pas, le signe n'ayant pas encore été inventé) indique que
1 Jésus avait deux disciples qu'il aimait d'une amour particulière
2 et que Marie de Magdala est le premier disciple bien-aimé (Pierre n'est pas un disciple bien-aimé)
Rien en grec ne permet de supposer que la relative "que Jésus aimait" est une relative caduque (que l'on peut mettre entre virgules), mais l'immense majorité des traducteurs a opté pour la virgule, ce qui donne :
Elle alla trouver Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait.
Celui-ci ne serait autre que Jean, le fils d'un pauvre pêcheur, Zébédée.
Une traduction tout à fait acceptable mais discutable quand même...
Dernière modification par angeloï le mer. 05 août 2009, 14:04, modifié 2 fois.
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4645
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- Localisation : Niort
Je trouve aussi que la virgule ne s'impose pas après le relatif « que », alors qu'elle nuance le sens après « qui » ; quoique... (comme disait Raymond Devos)
La paroi que je voyais = celle-là, pas une autre.
La paroi, que je voyais = il n'y en a qu'une et je la vois.
Idem pour :
La paroi qui s'offrait à ma vue.
La paroi, qui s'offrait à ma vue.
Mais dans le cas que vous citez, « S’appuyant des mains contre la paroi glacée que faisaient reluire des carreaux de céramique blanche », je ne mettrais pas de virgule.
La paroi que je voyais = celle-là, pas une autre.
La paroi, que je voyais = il n'y en a qu'une et je la vois.
Idem pour :
La paroi qui s'offrait à ma vue.
La paroi, qui s'offrait à ma vue.
Mais dans le cas que vous citez, « S’appuyant des mains contre la paroi glacée que faisaient reluire des carreaux de céramique blanche », je ne mettrais pas de virgule.
Je suis heureux que vous partagiez mon point de vue, mais je ne pense pas que l'omission de la virgule puisse se justifier par la présence du pronom relatif au cas régime (Est-ce vraiment ce que vous avez voulu dire ?).
La paroi que je voyais était recouverte d'une fine couche de chocolat ; les autres devaient l'être de sirop de cassis.
Cet exemple montre que le relatif joue bien son rôle restrictif (sans la virgule).
Moi, je laisse tomber la virgule dans la phrase avec Caroline et sa copine simplement parce que je ne veux point prononcer la relative d'une façon anecdotique, avec une pause avant le relatif : je trouve que cela détournerait l'attention du lecteur même si en théorie une relative entre virgules est censée être superflue.
La paroi que je voyais était recouverte d'une fine couche de chocolat ; les autres devaient l'être de sirop de cassis.
Cet exemple montre que le relatif joue bien son rôle restrictif (sans la virgule).
Moi, je laisse tomber la virgule dans la phrase avec Caroline et sa copine simplement parce que je ne veux point prononcer la relative d'une façon anecdotique, avec une pause avant le relatif : je trouve que cela détournerait l'attention du lecteur même si en théorie une relative entre virgules est censée être superflue.
- Claude
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- Localisation : Décédé le 24 août 2022. Humour et diplomatie. Il était notre archiviste en chef.
Re: Relative et virgule
J'ignorais l'emploi d'amour au féminin quand il est singulierangeloï a écrit : ...1 Jésus avait deux disciples qu'il aimait d'une amour particulière...
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- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Mais oui Claude, amour fut jadis couramment employé au féminin, principalement jusqu'au XVIIe siècle. Aujourd'hui il est masculin au pluriel comme au singulier, cet emploi au féminin singulier est rare, beaucoup plus rare que le féminin pluriel, désignant l'un et l'autre une passion intense entre deux êtres, et tous deux réservés à la grande littérature et à la poésie.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
En y réfléchissant bien, j'ai découvert que la relative sans virgule antécédente ne signifie pas toujours ce que les grammairiens affirment.
Il est allé au parc et y a rencontré la femme qui allait devenir sa compagne de toute une vie.
Cette relative n'implique nullement que ce monnsieur ait rencontré d'autres créatures du beau sexe dan ce parc qui auraient joué un rôle mineur dans son existence : il a rencontré une femme, celle qu'il allait épouser.
La relative ici joue un rôle différent de celle qui figure dans cette phrase-ci, bien que toutes deux soient sans virgule :
Il alla au palais et embrassa la princesse qui était habillée de blanc (un crapaud lui avait dit de ne surtout pas toucher à celles qui étaient vêtues de bleu et de rouge).
Cette phrase peut être opposée à "il embrassa la princesse, qui était vêtue de blanc", où le détail vestimentaire est de moindre importance.
Dans cette phrase tirée du roman de Loti "Pêcheur d'Islande" on trouve une relative sans virgule, sans que cela n'implique qu'il y ait une autre famille Moan dont les membres n'auraient pas été emportés par l'océan :
Et la lueur jaune du soir entrait par la lucarne, dans cette chaumière des Moan que la mer avait tous pris, qui étaient maintenant une famille éteinte.
Il a dévoré la glace qui était dans le bac à légumes peut donc signifier deux choses
-qu'il y avait deux glaces, dont une dans le bas du frigo et une autre dans le congélateur
-qu'il n'y avait qu'une glace et que celle-ci se trouvait là où elle se trouvait
D'ailleurs son épouse, en rentrant chez elle, s'est écriée sur un ton dépité qui ne laisse aucun doute sur l'unicité du merveilleux dessert :
Quoi, tu as mangé la glace qui était dans le bac à légumes ?
Il est allé au parc et y a rencontré la femme qui allait devenir sa compagne de toute une vie.
Cette relative n'implique nullement que ce monnsieur ait rencontré d'autres créatures du beau sexe dan ce parc qui auraient joué un rôle mineur dans son existence : il a rencontré une femme, celle qu'il allait épouser.
La relative ici joue un rôle différent de celle qui figure dans cette phrase-ci, bien que toutes deux soient sans virgule :
Il alla au palais et embrassa la princesse qui était habillée de blanc (un crapaud lui avait dit de ne surtout pas toucher à celles qui étaient vêtues de bleu et de rouge).
Cette phrase peut être opposée à "il embrassa la princesse, qui était vêtue de blanc", où le détail vestimentaire est de moindre importance.
Dans cette phrase tirée du roman de Loti "Pêcheur d'Islande" on trouve une relative sans virgule, sans que cela n'implique qu'il y ait une autre famille Moan dont les membres n'auraient pas été emportés par l'océan :
Et la lueur jaune du soir entrait par la lucarne, dans cette chaumière des Moan que la mer avait tous pris, qui étaient maintenant une famille éteinte.
Il a dévoré la glace qui était dans le bac à légumes peut donc signifier deux choses
-qu'il y avait deux glaces, dont une dans le bas du frigo et une autre dans le congélateur
-qu'il n'y avait qu'une glace et que celle-ci se trouvait là où elle se trouvait
D'ailleurs son épouse, en rentrant chez elle, s'est écriée sur un ton dépité qui ne laisse aucun doute sur l'unicité du merveilleux dessert :
Quoi, tu as mangé la glace qui était dans le bac à légumes ?
Merci, Jacques, un compliment de votre part, c'est une vraie consécration.Jacques a écrit :Mais oui Claude, amour fut jadis couramment employé au féminin, principalement jusqu'au XVIIe siècle. Aujourd'hui il est masculin au pluriel comme au singulier, cet emploi au féminin singulier est rare, beaucoup plus rare que le féminin pluriel, désignant l'un et l'autre une passion intense entre deux êtres, et tous deux réservés à la grande littérature et à la poésie.
- Jacques
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Vous me flattez. Mais je suis ravi d'avoir pu vous faire plaisir.angeloï a écrit :Merci, Jacques, un compliment de votre part, c'est une vraie consécration.Jacques a écrit :Mais oui Claude, amour fut jadis couramment employé au féminin, principalement jusqu'au XVIIe siècle. Aujourd'hui il est masculin au pluriel comme au singulier, cet emploi au féminin singulier est rare, beaucoup plus rare que le féminin pluriel, désignant l'un et l'autre une passion intense entre deux êtres, et tous deux réservés à la grande littérature et à la poésie.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Claude
- Messages : 9173
- Inscription : sam. 24 sept. 2005, 8:38
- Localisation : Décédé le 24 août 2022. Humour et diplomatie. Il était notre archiviste en chef.
Vous nous le disiez en octobre 2008 mais je l'ai oubliéJacques a écrit :Mais oui Claude, amour fut jadis couramment employé au féminin, principalement jusqu'au XVIIe siècle...
![[embarrassé] :oops:](./images/smilies/icon_redface.gif)
"Amour, délice et orgue. C'est une légende, une idée fausse née d'une mauvaise interprétation.
Seul délice est masculin singulier et féminin pluriel : Ce chocolat est un pur délice – je savourais les délices parfumées du printemps.
Amour et orgue sont masculins au singulier et au pluriel : Cet orgue est merveilleux – ces orgues sont merveilleux – L'amour a transformé Julien – ce cadre moderne vit des amours tumultueux. Il faut comprendre ; orgue est féminin pluriel pour désigner un instrument unique de très grande taille : les grandes orgues de la cathédrale de Strasbourg sont un orgue seul mais composé de plusieurs corps. Cet emploi disparaît de l'usage, et on dit maintenant le grand orgue. Amour était jadis féminin, au singulier et au pluriel. Aujourd'hui, le féminin pluriel s'emploie pour désigner une passion unique très forte entre deux êtres, mais seulement en poésie et en grande littérature : les amours contrariées (l'amour contrarié) de Roméo et Juliette. Dans la langue courante, pour évoquer de multiples aventures amoureuses, le masculin pluriel est seul recevable.
Pour ces emplois il n'y a pas de raison logique, c'est l'usage, la pratique qui a créé les habitudes. Il y a donc un seul mot en français (délice) qui soit dans ce cas."