Page 1 sur 2

Realpolitik

Publié : mar. 08 mars 2011, 14:16
par Manni-Gédéon
Ces derniers temps, j'ai souvent entendu sur des chaînes de télévision françaises un mot que je prenais pour un anglicisme mal prononcé : Realpolitik.
Alors j'ai fait quelques recherches.
L'internet démontre que ce mot est mal connu (ouf ! Je ne suis pas la seule... :roll: ). Quelle confusion ! Entre real politique, real-politique, réal politique, réal-politique, real politic, real politik et Real politik, on trouve enfin Realpolitik, cette dernière étant la seule orthographe correcte.
Bonne nouvelle : ce mot ne nous vient pas des Etats-Unis (pour une fois ! :D ), mais d'Allemagne. Je suis d'autant plus surprise d'entendre ce germanisme en France, alors que je ne l'ai jamais entendu en Suisse.
Comme bon nombre d'anglicismes, il semble qu'il soit utilisé en français dans un sens un peu différent de celui de sa langue d'origine.
En allemand, le mot Realpolitik existe depuis longtemps. Mais qu'en est-il de son utilisation en français ?
Instruisez-moi, puisque je débarque... :oops:

Publié : mar. 08 mars 2011, 14:52
par Perkele
Ben... :?

Publié : mar. 08 mars 2011, 15:10
par Jacques
C'est-à-dire que... À vrai dire...

Publié : mar. 08 mars 2011, 15:18
par Jacques-André-Albert
Je lis dans mon dictionnaire allemand (Sprach Brockhaus) :
- Realpolitik : Eine Staatsführung, die mit den gegebenen Tatsachen rechnet.
C'est à dire une conduite des affaires de l'État qui tient compte des faits, autrement dit une sorte de pragmatisme.

Publié : mar. 08 mars 2011, 16:15
par Manni-Gédéon
Finalement, on dirait que la Realpolitik est simplement la raison d'État des journalistes et des politiciens dans le vent.
Cette définition (§3.) semble correspondre au langage de la télévision.

Publié : mar. 08 mars 2011, 16:33
par Klausinski
J’aurais également dit « une sorte de pragmatisme ».

Publié : mar. 08 mars 2011, 17:23
par Manni-Gédéon
Klausinski a écrit :J’aurais également dit « une sorte de pragmatisme ».
C'est vraisemblablement le sens qu'on lui donne en Allemagne.
En France, il semble que la Realpolitik implique le renoncement à certains principes, comme on peut le lire dans le lien que j'ai donné précédemment ou ici.
Maintenant, jusqu'où va le pragmatisme et à partir d'où commence l'utilitarisme ? C'est plus une question de philosophie ou de politique que de langue.

Publié : mar. 08 mars 2011, 18:11
par JR
En cherchant à me rafraichir la mémoire, j'ai trouvé :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Realpolitik

mais le mot est revenu à la mode après :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_fro ... _-_1975.29

Depuis, il a été banalisé pour être appliqué à toute politique "réaliste".

Publié : mar. 08 mars 2011, 18:52
par TSOS
Le pragmatisme et le réalisme, dans l'analyse des problèmes et les solutions proposées, ainsi que la prise en compte des problèmes, en tant que tels, quels qu'ils soient, peuvent résumer ce mot, tel que je le conçois en tant que locuteur de l'idiome tudesque.
La Realpolitik ne se fonde donc pas dans ses décisions sur des valeurs morales en tant que telles, ni sur des considérations historiques, par exemple.
"Il y a un problème, et on le résout; tous les moyens y sont bons": toutes les possibilités sont négociables avec la Realpolitik.

J'espère que j'ai aidé un peu...

Publié : mar. 08 mars 2011, 19:28
par Jacques-André-Albert
Le mot apparaît dans un contexte francophone en 1913, en Suisse ; on le retrouve en 1920 dans le titre d'une œuvre de Louis Thurler, auteur helvétique, ainsi que chez Romain Rolland, qui a passé la première guerre mondiale en Suisse et qui était très attaché à ce pays.

Publié : mar. 08 mars 2011, 19:58
par Jacques
TSOS a écrit :Le pragmatisme et le réalisme, dans l'analyse des problèmes et les solutions proposées, ainsi que la prise en compte des problèmes, en tant que tels, quels qu'ils soient, peuvent résumer ce mot, tel que je le conçois en tant que locuteur de l'idiome tudesque.
Ne prenez pas cela pour une remarque personnelle, vous avez expliqué que le français n'est pas votre première langue. Je constate que beaucoup de gens, depuis quelques années, ont pris l'habitude d'employer le mot idiome à la place de langue. Je l'ai noté même chez des membres de DLF. On dit volontiers « l'idiome anglo-saxon » pour l'anglais, « notre idiome » pour le français, mais cette mauvaise habitude est une impropriété. Idiome, du grec idiôma dérivé de idios, « particulier », désigne un parler, un langage qui est propre à une communauté, une tribu, un groupe ethnique, et qui présente un caractère unique, parce qu'il est parlé seulement par cette tribu, ce groupe, ce peuple, cette communauté à l'exclusion de tout autre groupe humain. On peut dire, par exemple, que l'alsacien est un idiome parce que hors de l'Alsace aucune communauté au monde ne l'utilise.
L'anglais, le français, l'espagnol ne sont pas des idiomes parce qu'ils sont répandus à travers la planète. Tous les mots dérivés du grec idios désignent un caractère unique : idiot (idiôtês, simple particulier), idiotisme, tournure propre à une langue et qu'on ne trouve dans aucune autre, idiosyncrasie, caractère individuel spécifique, etc.
Je ne veux pas avoir l'air de donner des leçons, mais je souhaitais faire une mise au point sur un usage impropre que même l'Académie mentionne sans le condamner.

Publié : mar. 08 mars 2011, 20:23
par Jacques-André-Albert
Vous avez raison, Jacques, et en cela vous vous rangez à la définition donnée par l'Académie. Le TLFI est plus laxiste, cela ne vous surprendra pas.

Publié : mar. 08 mars 2011, 20:41
par Jacques
Cher homonyme, vous le savez semble-t-il, je me méfie du TLFi.

Publié : mar. 08 mars 2011, 21:30
par Marco
Pardonnez-moi, mais sur ce point je me permets d’exprimer mon désaccord. À mon avis, l’étymologie ne peut pas être garante de tous les usages qu’une langue développe naturellement à travers le temps, sinon le 90% des phrases que nous prononçons ou écrivons tous les jours seraient fautives. Le mot idiome est employé dans le langage courant comme synonyme de langue depuis des siècles, ce n’est pas un usage récent, et d’ailleurs la huitième édition du Dictionnaire de l’Académie française donne cette définition :

Langue propre à une nation. L’idiome français. L’idiome espagnol. Il désigne, par extension, le Langage particulier d’une province. L’idiome gascon. L’idiome provençal. L’idiome alsacien.

Définition quasi identique à la quatrième édition. De même, l’acception 3 donnée par Littré :

Langue d’un peuple considérée dans ses caractères spéciaux. L’idiome français. L’idiome allemand.
De quelle langue voulez-vous vous servir avec moi.... je vous dis, de quel idiome, de quel langage ? MOL. Mar. forcé, c.
Serait-il vrai que ce déclin des idiomes, certainement inévitable, soit toujours également rapide, que rien ne puisse retarder la décadence, et qu’elle n’ait pas des stations et des retours ? VILLEMAIN, Dict. de l'Acad. préface, p. X.


Lorsqu’un usage est établi depuis plusieurs siècles, même s’il ne répond pas de manière littérale et exacte à son étymon, nous ne pouvons pas, ce me semble, le tenir pour fautif, d’autant plus si les œuvres lexicographiques du passé et du présent en consacrent la légitimité. C’est du moins mon point de vue.

Publié : mar. 08 mars 2011, 21:56
par Jacques
Les premières définitions données par l'Académie indiquaient bien la notion de particularité, opposée à celle de généralité :
IDIOME. s. m. Ce que le langage particulier d'une Ville, d'une Province a de different d'avec la langue generale du Pays. La langue Allemande, l'Italienne, &c. ont plusieurs idiomes.
Le Robert, dans l'édition de l'année dernière, dit : Parler propre à une région, à un groupe social. Le Maxidico : Moyen d'expression propre à une communauté spécifique. Dictionnaire historique : Désigne d'abord un parler propre à une région . Au XVIIIe s. la manière de s'exprimer propre à une époque, un groupe social, une personne. Le sens de « particularité propre à une langue » est repris au XXe --> idiotisme.
L'Académie le définit « Langue propre à une communauté, à une région. »
Elle note qu'il est parfois employé à la place de langue, sans commentaire : c'est une constatation de l'usage mais pas un aval. Elle ajoute : Par ext. Manière de s'exprimer propre à une personne, un groupe, une époque.
On trouve toujours ce sens de « particulier » qui le restreint à un groupe, et qui s'oppose au sens généraliste de la langue nationale.
Si vous considérez qu'un usage répété donne droit d'existence à une interprétation étymologiquement fausse soit, cela s'est fait pour bien des termes de la langue qui ont dévié au cours de son histoire, mais en l'occurence il y a une imprécision regrettable, le sens abusif se juxtaposant à l'autre qui est toujours bien vivant, ce qui est source de confusion.