André
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André
Français notre belle langue…
Ce titre a attiré l’attention de l’ancien prof d’allemand que je suis et explique largement mon inscription. Mais pas à lui seul. Le français est également assez difficile et il est devenu fragile.
Concernant la beauté de notre langue, je prêcherais des convertis si j’insistais.
La difficulté du français et les conséquences à en tirer sont sans doute des sujets moins consensuels. Une langue, c’est notoire, doit évoluer pour subsister. J’ai volontairement écrit « prof » ci-dessus, en ayant à l’esprit l’évolution de « cinématographe » vers « cinéma », de « métropolitain » vers « métro ». Que nous le voulions ou non le facteur paresse intervient ! Je constate avec joie que le français est à peu près la seule grande langue à ne (presque) pas appeler « computer » (trois syllabes) la machine que j’utilise actuellement : si notre « ordinateur » (quatre syllabes) devient un « ordi » (deux syllabes), ce mot bref, de graphie simple, ne courra aucun risque !
Nous pourrons alors regretter que tel journaliste dise qu’une octogénaire s’est FAITE dépouiller de mille euros, que tel autre ne connaisse plus que « récupérer » quand il veut dire « obtenir », « trouver », « prendre », « gagner », « s’emparer de »…, que tel sous-titre soit mal écrit en bas d’un écran de télé (vision ?!) Bien sûr il y a aussi l’ado qui dit « C’est pas moi qui A fait ça » ! Il est probable qu’il dise à quarante ans « C’est moi qui l’ai fait » ! Et je me rends compte combien je peux moi-même encore progresser, ne serait-ce qu’à parcourir ce forum.
La réputation qu’a le français d’être une langue plutôt difficile nuit à son apprentissage par les non francophones, comme si la concurrence et l’influence de l’anglais ne suffisaient pas ! D’où la fragilité dont j’ai parlé. Paradoxe : entre 2001 et 2011, les langues qui ont le plus progressé sur Internet sont l’arabe, le chinois, l’espagnol, le portugais et le français (Claude HAGÈGE, Contre la pensée unique, Odile Jacob) ; mais la mode et la mondialisation n’ont jamais exercé une pression aussi forte en faveur du tout anglais et trop peu de francophones, à mon goût, en semblent conscients. Un seul exemple : un constructeur français de véhicules motorisés décide (au début des années 2000, il semblerait qu’il se soit ravisé ensuite) de ne plus recourir qu’à l’anglais pour ses conseils d’administration et refuse d’appeler « camion » ce que tout Français normalement constitué appelle « camion », sans égard non plus pour les locuteurs d’autres langues qui utilisent notre « camion » !
J'espère partager ici, dans la joie et la bonne humeur, quelques idées sur ces sujets et sur bien d'autres.
Ce titre a attiré l’attention de l’ancien prof d’allemand que je suis et explique largement mon inscription. Mais pas à lui seul. Le français est également assez difficile et il est devenu fragile.
Concernant la beauté de notre langue, je prêcherais des convertis si j’insistais.
La difficulté du français et les conséquences à en tirer sont sans doute des sujets moins consensuels. Une langue, c’est notoire, doit évoluer pour subsister. J’ai volontairement écrit « prof » ci-dessus, en ayant à l’esprit l’évolution de « cinématographe » vers « cinéma », de « métropolitain » vers « métro ». Que nous le voulions ou non le facteur paresse intervient ! Je constate avec joie que le français est à peu près la seule grande langue à ne (presque) pas appeler « computer » (trois syllabes) la machine que j’utilise actuellement : si notre « ordinateur » (quatre syllabes) devient un « ordi » (deux syllabes), ce mot bref, de graphie simple, ne courra aucun risque !
Nous pourrons alors regretter que tel journaliste dise qu’une octogénaire s’est FAITE dépouiller de mille euros, que tel autre ne connaisse plus que « récupérer » quand il veut dire « obtenir », « trouver », « prendre », « gagner », « s’emparer de »…, que tel sous-titre soit mal écrit en bas d’un écran de télé (vision ?!) Bien sûr il y a aussi l’ado qui dit « C’est pas moi qui A fait ça » ! Il est probable qu’il dise à quarante ans « C’est moi qui l’ai fait » ! Et je me rends compte combien je peux moi-même encore progresser, ne serait-ce qu’à parcourir ce forum.
La réputation qu’a le français d’être une langue plutôt difficile nuit à son apprentissage par les non francophones, comme si la concurrence et l’influence de l’anglais ne suffisaient pas ! D’où la fragilité dont j’ai parlé. Paradoxe : entre 2001 et 2011, les langues qui ont le plus progressé sur Internet sont l’arabe, le chinois, l’espagnol, le portugais et le français (Claude HAGÈGE, Contre la pensée unique, Odile Jacob) ; mais la mode et la mondialisation n’ont jamais exercé une pression aussi forte en faveur du tout anglais et trop peu de francophones, à mon goût, en semblent conscients. Un seul exemple : un constructeur français de véhicules motorisés décide (au début des années 2000, il semblerait qu’il se soit ravisé ensuite) de ne plus recourir qu’à l’anglais pour ses conseils d’administration et refuse d’appeler « camion » ce que tout Français normalement constitué appelle « camion », sans égard non plus pour les locuteurs d’autres langues qui utilisent notre « camion » !
J'espère partager ici, dans la joie et la bonne humeur, quelques idées sur ces sujets et sur bien d'autres.
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Quelle magnifique présentation ! Je n'ai pas assez d'inspiration pour dire tout ce qu'elle évoque et pour l'agrément de l'avoir lue. Vous avez déjà eu l'occasion de prouver vos talents sur le forum, vous avez largement gagné vos lettres de noblesse.
Je peux citer deux autres langues qui n'ont pas adopté le « computer » : en espagnol c'est un ordenador, et en norvégien datamaskin. En ce qui concerne le français ce fut une belle victoire, puisque le mot d'origine computeur n'a pas réussi à se faire adopter, et cette machine a ressuscité l'usage d'un très vieux mot français de la fin du XVe siècle qui était oublié.
Merci pour ce moment de plaisir que j'ai eu à lire cette jolie profession de foi. Merci pour ce bel exposé.
Je peux citer deux autres langues qui n'ont pas adopté le « computer » : en espagnol c'est un ordenador, et en norvégien datamaskin. En ce qui concerne le français ce fut une belle victoire, puisque le mot d'origine computeur n'a pas réussi à se faire adopter, et cette machine a ressuscité l'usage d'un très vieux mot français de la fin du XVe siècle qui était oublié.
Merci pour ce moment de plaisir que j'ai eu à lire cette jolie profession de foi. Merci pour ce bel exposé.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Je partage l'enthousiasme de Jacques pour cette présentation toute en nuances et en finesse, et suis heureux en outre de trouver ici un collègue germaniste (histoire de faire contrepoids à tous ces gens qui vous balancent des références en italien ou en espagnol...
).
C'est avec plaisir que je lirai vos contributions.
![[clin d'oeil] :wink:](./images/smilies/icon_wink.gif)
C'est avec plaisir que je lirai vos contributions.
Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
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- Inscription : sam. 06 mai 2006, 19:59
Portugais computador, espagnol computador(a) (Amérique Latine), ordenador (Espagne) (nous avons le verbe computar, du latin computare, alors je n'y vois aucun anglicisme), allemand Rechner (mais Computer s'utilise beaucoup, peut-être plus que Rechner), catalan ordinador, roumain calculator (mais aussi computer ou ordinator), finnois tietokoine, hongrois számítógép, tchèque/slovaque počítač, turc bilgisayar, etc., mais je ne sais pas si toutes ou quelques des langues que j'ai citées sont "grandes".Je constate avec joie que le français est à peu près la seule grande langue à ne (presque) pas appeler « computer » (trois syllabes) la machine que j’utilise actuellement
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
On n’est jamais trop prudent ! J’ai sans doute repris trop rapidement ce que j’ai lu un jour, je crois bien, dans un autre livre d’HAGÈGE, où il était question de grandes langues comme l’anglais, l’allemand, le russe, l’espagnol, le portugais, l’italien, le japonais, le chinois, dans le sens où elles avaient de nombreux locuteurs et / ou un certain rayonnement international. Parmi celles dont il était question une seule (l’espagnol ?) était présentée comme n’utilisant pas « computer » : or ci-dessus on en est au moins à deux, sinon plus...
Mais ne pas voir d’anglicisme dans « computer » m’étonne beaucoup. Le problème n’est pas ici de savoir si le mot anglais remonte à une racine latine ou germanique, il s’agit de constater en quelle langue il a désigné initialement cette machine. Dans le même ordre d’idée, le verbe « supporter » est un anglicisme dans le sens « encourager », alors qu’il s’agit d’un mot français très ancien, mais avec une acception différente pendant des siècles, le fait qu’il ait eu au Moyen Âge un sens proche d’ « encourager » ne changeant rien à l’affaire.
En allemand les deux mots les plus courants pour désigner l’ordinateur sont « Computer » (fixe) et « Laptop » (portable).
Mais ne pas voir d’anglicisme dans « computer » m’étonne beaucoup. Le problème n’est pas ici de savoir si le mot anglais remonte à une racine latine ou germanique, il s’agit de constater en quelle langue il a désigné initialement cette machine. Dans le même ordre d’idée, le verbe « supporter » est un anglicisme dans le sens « encourager », alors qu’il s’agit d’un mot français très ancien, mais avec une acception différente pendant des siècles, le fait qu’il ait eu au Moyen Âge un sens proche d’ « encourager » ne changeant rien à l’affaire.
En allemand les deux mots les plus courants pour désigner l’ordinateur sont « Computer » (fixe) et « Laptop » (portable).
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Je penche dans votre sens pour ce qui concerne l'anglais. Si le mot vient bien du latin computare (compter), la terminaison -er est de type anglo-saxon. La preuve c'est qu'en français, en partant de cette racine latine, on a d'abord créé computeur avant de l'abandonner pour ressusciter ce vieux mot d'ordinateur (celui qui met de l'ordre, surnom donné au Christ).
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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- Inscription : sam. 06 mai 2006, 19:59
Moi aussi. Mais nous ne disons pas computer, nous disons computador (portugais) computador(a) (en Amérique espagnole, mais il me semble que la forma avec le a final est plus répandue, il peut pourtant y avoir des différences régionales), avec le suffixe désignant agent -ador(a), que l'on trouve aussi en matador (tueur), comedor (mangeur), dire(c)tor (directeur), etc.Mais ne pas voir d’anglicisme dans « computer » m’étonne beaucoup
Le sens de computare en latin et de computar en espagnol/portugais n'a pas changé.
On n'utilise pas suportar en portugais, soportar en espagnol dans ce cas, mais j'ai déjà vu supportare en italien avec cette acception.Dans le même ordre d’idée, le verbe « supporter » est un anglicisme dans le sens « encourager », alors qu’il s’agit d’un mot français très ancien, mais avec une acception différente pendant des siècles, le fait qu’il ait eu au Moyen Âge un sens proche d’ « encourager » ne changeant rien à l’affaire.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Merci beaucoup, Anne. L’envie ne me manque pas de vous répondre en allemand, mais ce serait mal venu ici !
La linguistique n’est pas non plus exactement à sa place sur ce forum. Mais une précision s’impose.
Je ne sais pas ce que signifiait « computeur », mot d’existence apparemment très éphémère.
Mais s’il s’était imposé (par exemple immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale) pour désigner ce que nous appelons aujourd’hui un ordinateur, les linguistes auraient pu le qualifier d’ « anglicisme », lui aussi, tout comme ils auraient pu ne pas le faire.
Je m’explique : tout aurait dépendu du sens que le mot avait auparavant.
Hypothèse 1 : Il désigne, mettons, depuis Blaise PASCAL, une machine à calculer qu’on perfectionne au fil des siècles, sans interruption d’emploi jusqu’au stade qui a précédé immédiatement celui de l’ordinateur : alors, pour désigner l’ordi, « computeur » est un mot cent pour cent français.
Hypothèse 2 : Au moment où apparaissent les premiers ordinateurs modernes, un industriel qui souhaite en importer et en vendre en France constate que les Américains utilisent « computer » pour désigner l’invention, s’avise qu’existe un vieux mot français totalement oublié ressemblant à « computer », « computeur », et décide de l’utiliser : si le mot s’impose dans l'espace francophone, c’est un anglicisme.
L’expression québécoise si sympathique « Tomber en amour » est possiblement un anglicisme. Il est probable même qu’elle n’existerait pas si l’anglais n’existait pas.
Pour résumer : la notion d’anglicisme (mais c’est vrai pour tout idiotisme) peut n’avoir aucun rapport avec l’étymologie.
Cher Brazilian dude, vous êtes peut-être lusophone d’origine et je m’en rends compte un peu tard. Félicitations pour votre français, mon portugais est nul. Les critères permettant de savoir si « computador » est un anglicisme résident dans le sens et l’actualité qu’il avait avant l’arrivée des ordinateurs modernes.
La linguistique n’est pas non plus exactement à sa place sur ce forum. Mais une précision s’impose.
Je ne sais pas ce que signifiait « computeur », mot d’existence apparemment très éphémère.
Mais s’il s’était imposé (par exemple immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale) pour désigner ce que nous appelons aujourd’hui un ordinateur, les linguistes auraient pu le qualifier d’ « anglicisme », lui aussi, tout comme ils auraient pu ne pas le faire.
Je m’explique : tout aurait dépendu du sens que le mot avait auparavant.
Hypothèse 1 : Il désigne, mettons, depuis Blaise PASCAL, une machine à calculer qu’on perfectionne au fil des siècles, sans interruption d’emploi jusqu’au stade qui a précédé immédiatement celui de l’ordinateur : alors, pour désigner l’ordi, « computeur » est un mot cent pour cent français.
Hypothèse 2 : Au moment où apparaissent les premiers ordinateurs modernes, un industriel qui souhaite en importer et en vendre en France constate que les Américains utilisent « computer » pour désigner l’invention, s’avise qu’existe un vieux mot français totalement oublié ressemblant à « computer », « computeur », et décide de l’utiliser : si le mot s’impose dans l'espace francophone, c’est un anglicisme.
L’expression québécoise si sympathique « Tomber en amour » est possiblement un anglicisme. Il est probable même qu’elle n’existerait pas si l’anglais n’existait pas.
Pour résumer : la notion d’anglicisme (mais c’est vrai pour tout idiotisme) peut n’avoir aucun rapport avec l’étymologie.
Cher Brazilian dude, vous êtes peut-être lusophone d’origine et je m’en rends compte un peu tard. Félicitations pour votre français, mon portugais est nul. Les critères permettant de savoir si « computador » est un anglicisme résident dans le sens et l’actualité qu’il avait avant l’arrivée des ordinateurs modernes.
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- Klausinski
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Je vous souhaite de nouveau la bienvenue. La joie et la bonne humeur seront présentes. Votre présentation fait présager des conversations intéressantes.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Le mot computeur n'avait aucun sens auparavant parce qu'il n'existait pas. Il a été créé pour désigner ces appareils nouveaux qui ressemblaient dans leur fonctionnement à des machines à calculer. Il fut donc formé sur le latin computare, compter. Mais il a fait un fiasco. Alors un ingénieur de chez IBM France a proposé de remettre au goût du jour un vieux mot datant de 1491, ordinateur, tombé dans l'oubli, et qui existait déjà en latin sous la forme ordinator. L'ordinateur (celui qui met de l'ordre) c'était le surnom du Christ. L'appareil fut ainsi appelé parce qu'il permettait de trier et classer des données.André (Georges, Raymond) a écrit :Je ne sais pas ce que signifiait « computeur », mot d’existence apparemment très éphémère.
Mais s’il s’était imposé (par exemple immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale) pour désigner ce que nous appelons aujourd’hui un ordinateur, les linguistes auraient pu le qualifier d’ « anglicisme », lui aussi, tout comme ils auraient pu ne pas le faire.
Je m’explique : tout aurait dépendu du sens que le mot avait auparavant.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
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- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
Je fais encore mon archiviste. J'espère que Claude n'en prendra pas ombrage. L'histoire du mot ordinateur est expliquée en détail dans ce sujet.Jacques a écrit : Alors un ingénieur de chez IBM France a proposé de remettre au goût du jour un vieux mot datant de 1491, ordinateur, tombé dans l'oubli, et qui existait déjà en latin sous la forme ordinator.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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- Hippocampe
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- Inscription : dim. 17 avr. 2011, 18:15