Soit X, Y ... Soient X,Y

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SB
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Soit X, Y ... Soient X,Y

Message par SB »

Bonjour,

en mathématiques, on rencontre des énoncés commençant par Soit ...
Par exemple : Soit M un point de la droite (AB)
-> Quelle est la nature de Soit ?

Cette question est motivée par le fait que se pose la question de l'éventuel accord (ou conjugaison si l'on considère que c'est un verbe) dans le cas où l'on considère plusieurs points de la droite (AB).

En tout état de cause, dans les livres on rencontre les deux formes à savoir soit ou bien soient.

Merci pour les différents éclairages que vous pourrez m'apporter.

SB
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Jacques
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Message par Jacques »

Je l'interprète avec le même sens que étant donné. Je crois d'ailleurs qu'en mathématiques on emploie aussi cette formule. Or, étant donné est toujours invariable quand il précède ce que l'on veut nommer et ne s'accorde que s'il est après. J'appliquerais donc le même raisonnement : étant donné / soit deux droites parallèles... Mais à la différence que soit ne peut pas se placer après les choses nommées.
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SB
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Message par SB »

Merci Jacques pour votre réponse.

SB
GB-91
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Message par GB-91 »

J'approuve Jacques car je considère soit comme vu ou attendu dans la liste des considérants précédant un article de loi.
(vu les articles 9 et 10 de la loi du... ; Vu les articles 5 à 8 du décret...)
Dans ces cas, vu, attendu, soit, sont pris pour considérant.
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Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Je reprends la question
"> Quelle est la nature de Soit ? "

Quelle est la réponse?

'soit' pourrait être une abréviation de 'que soit' ou 'qu'il soit' (çad un subjonctif sans queue): qu'il soit M un point de AB.
Seulement on sait que AB comporte des points.
'soit' veut dire 'prenons un point au hasard et nommons-le M'.

Alors, grammaticalement, qu'est-ce que ce 'soit'?

Qu'en est-il dans 'soit tu perds, soit je gagne'?
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est une forme figée du verbe être qui, selon les cas, est en fonction d'adverbe ou de conjonction. Dans une expression mathématique, il a le sens de « supposons ». Il est invariable, mais l'accord est toléré. Toléré veut dire qu'on ferme les yeux avec complaisance, mais que ce n'est pas ce qu'il y a de plus recommandable. L'accord a une nette tendance à disparaître, selon Girodet.
Dans soit tu... soit tu... il remplace ou et c'est une conjonction. Je signale toutefois que certains grammairiens considèrent que le mettre devant des verbes est fautif, et qu'il ne peut être placé que devant des expressions non verbales. Ainsi donc :
– ou tu entres ou tu sors, mais il faut te décider ;
– je viendrai soit par le train, soit par l'autocar, selon ce qui sera le plus pratique.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

J’y vois aussi historiquement le verbe « être » au subjonctif présent. « Soit le point M » signifie pour moi à l’origine « Que le point M soit », « Décidons que le point M existe ».
Mais, vous le dites, Jacques, l’emploi s’en est partiellement figé, ce qui amène les lexicographes modernes à le considérer comme une conjonction, qui, me semble-t-il, ne peut avoir valeur que de coordination (Pas de subordonnée en vue !) J’utilise « partiellement » pour rendre compte du fait que la forme « Soient les deux points M et N » est toujours acceptée, par Larousse par exemple.
Toutefois une autre raison d’ « oublier » le verbe réside dans l’ancienneté de l’évolution du mot, qui remonte au latin « sit ».
La réponse à votre question, Hippocampe, est donc pour moi : conjonction de coordination. Comme vous, je peine cependant à laisser de côté le vieux verbe.
Vous parlez de « soit…, soit… », où je vois deux conjonctions de coordination, moins problématiques.
« Soit que… » redoublé, que je me permets de mentionner hors de votre sujet, nous ramène à la difficulté d’oublier le verbe « être » au subjonctif. Pour Larousse on a à faire à une locution conjonctive : on sent la volonté de ne pas embrouiller l’utilisateur ordinaire et de ne pas lui rappeler que « que » ne peut introduire en l’occurrence qu’une subordonnée, ce qui contraindrait le lexicographe à finalement accepter la nature ancienne de « soit », qu’il faudrait considérer comme le verbe principal.
Dernière modification par André (G., R.) le ven. 05 avr. 2013, 11:22, modifié 1 fois.
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Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Cela me fait penser à mon révéré prof de français de cinquième et quatrième qui nous disait que, pour bien faire, il faudrait écrire 'vivent la France et l'Allemagne' car 'vive la France' est une écriture abrégée de 'que vive la France'.
Voit-on parfois ce 'vivent X et Y'?
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Claude
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Message par Claude »

Extrait du TLFi :
Rem. Certains grammairiens admettent l'accord avec les noms de pers. et le refusent pour les noms de choses. GREV. 1986, § 901e donne cependant des ex. d'accord et d'invariabilité dans les deux cas. D'apr. HANSE Nouv. 1987 l'invariabilité est cour. dans les deux cas: Vive les Français! Vive les vacances!
C'est curieux car dans l'emploi en question, vive est une interjection, mais si l'on admet parfois l'accord, pour moi il est considéré comme un verbe.
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Jacques
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Message par Jacques »

Vive mérite qu'on s'y arrête, car il amène plusieurs réflexions. Vous savez que l'impératif est un mode défectif : il s'applique seulement à la première personne du pluriel et aux deuxièmes personnes du singulier et du pluriel. Pour les autres, on lui substitue le subjonctif : Qu'elle entre ! Qu'ils essayent !
À l'origine donc, c'était l'abréviation de que vive ou que vivent et on disait logiquement Vive le roi ! Vive la reine ! Vivent les souverains ! En outre, et tout aussi logiquement, cette acclamation ne pouvait concerner que des êtres vivants, plus particulièrement des humains.
Au fil du temps, on a perdu de vue le verbe vivre, et il est admis depuis quelques dizaines d'années qu'il s'agit d'une interjection acclamative, et plus du tout d'un souhait de longue vie. Dès lors, puisque c'est une interjection, bien que l'accord puisse toujours se faire, on admet que le mot reste invariable, et même qu'il s'applique à des choses, voire à des abstractions comme dans Vive les vacances !
D'ailleurs, quand vous criez Vive Chombier ! vous ne souhaitez pas à Chombier de vivre vieux, mais vous pensez : J'aime Chombier, bravo Chombier ! Ou, pourquoi pas ? gloire à Chombier !
Dernière modification par Jacques le sam. 06 avr. 2013, 8:33, modifié 2 fois.
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Claude
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Message par Claude »

Je viens de m'instruire sur ce Chombier que je ne connaissais pas, s'il s'agit bien de ce bon vieux Marcel. :lol:
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

L’analogie des évolutions de « soit » et de « vive » me paraît indéniable, en effet.
Deux scrupules me sont venus après ma dernière intervention, où j’aurais pu être plus précis.
« Soit » existe aussi comme adverbe, avec la même étymologie que la conjonction : il s’agit alors de marquer son accord avec une idée qui vient d’être énoncée tout en manifestant qu’on le fait par concession. Deux exemples du Larousse : « Soit, j’accepte » et « Il est un peu maladroit, soit ».
J’ai parlé de conjonction de coordination pour « soit » dans « Soit le point M », parce qu’il me semble qu’une conjonction ne peut être que de coordination ou de subordination, mais je serais incapable de répondre à la question de savoir à quoi « soit » lie « le point M », question légitime quand on pense à la définition de la conjonction.
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Jacques
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Message par Jacques »

Dans soit le point M, soit équivaut à supposons, il a une valeur introductive et il semblerait qu'il ne se classe dans aucune catégorie grammaticale, d'après Girodet.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je comprends Girodet, mais il est peu satisfaisant intellectuellement de ne trouver aucune nature grammaticale à « soit » dans « Soit le point M » et de devoir renoncer à répondre aux questions de SB et d’Hippocampe ! En ce qui me concerne, si je devais renoncer à la notion de conjonction, je me rabattrais sur celle de verbe. Et je le ferais d'autant plus volontiers que le recours à "supposons" pour l'explication, sémantique certes, va dans ce sens, cet argument devant toutefois être manié avec précautions, "le point M" étant COD après "supposons" tandis qu'il serait le sujet du subjonctif "soit".
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Jacques
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Message par Jacques »

Les termes exacts employés par Girodet sont « formule d'introduction ». Les autres auteurs de livres didactiques ne se hasardent pas à donner une catégorie grammaticale aux divers emplois de soit. On doit pourvoir considérer dans celui-ci qu'il garde sa nature de verbe, puisque même encore maintenant on tolère l'accord au pluriel.
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