Pinacle (bonne utilisation du mot)

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Mickaël
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Pinacle (bonne utilisation du mot)

Message par Mickaël »

Est-ce qu'on peut laisser passer la phrase suivante :
"Ce monarque, dans son arrogance, se voulait le pinacle de l’hérésie et du panthéisme."
"Pinacle" est-il bien employé ici ? Tout cela me semble très "ampoulé"...
Mickael
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Cette tournure ne me paraît pas bien naturelle, en effet. On ne dirait pas non plus : « il se voulait le sommet de ceci ou de cela », non que cela soit faux d'un point de vue grammatical, syntaxique ou sémantique, mais — je ne saurais dire pourquoi — ce n'est pas une formulation ordinaire. On dirait plutôt « il se voulait l'incarnation de l'hérésie ».
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Jacques
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Message par Jacques »

Le pinacle étant la partie la plus élevée d'un édifice (plus spécifiquement, à l'origine, du temple de Jérusalem), ce nom ne peut pas s'appliquer à un être vivant.
À la rigueur, on pourrait dire que le monarque se voulait au pinacle, mais ce n'est que du rafistolage. Il vaut mieux éliminer le mot et tourner la phrase avec un autre terme.
J'appelle votre attention sur l'importance des rubriques : il ne faut pas poser toutes les questions dans Grammaire, conjugaison parce que c'est plus facile étant donné qu'elle est en tête. Une question sur l'utilisation d'un mot se dépose dans la rubrique Vocabulaire, sens des mots.
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Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

Un anglicisme ? Acception 3.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Ce débat sur « pinacle » me rappelle la caractérisation que donne Flaubert de M. Homais : « l'apothéose du médiocre ».
Quantum mutatus ab illo
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Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Pour moi il se prend pour la pierre la plus élevée, la plus prestigieuse ; c'est une comparaison et c'est tout, je n'y voit rien de mauvais grammaticalement.
Il peut aussi vouloir dire j'"homme sur le pinacle" et pour moi c'est un trope (lequel ? cf un fil récent). Pour moi, pas de souci. Grammaticalement parlant. Bien sûr ce type doit être arrogant ou mégalomane mais c'est un autre sujet.
À mes yeux, les comparaisons et les tropes enrichissent le français.

Bien sûr il existe des comparaisons ou tropes ratés.

Il me semble aussi qu'il existe des figures de style qu'on ne sait identifier mais qui sont utiles.
Car le feu s'est éteint, les oiseaux se sont tus et Ceinwein est partie.
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Jacques
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Message par Jacques »

Brazilian dude a écrit :Un anglicisme ? Acception 3.
L'acception 3 (le plus haut degré de perfection) fait toujours référence à une chose, du moins je le crois. Ce qui choque, c'est qu'un humain se compare à une chose.
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Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Sauf votre respect, cher Jacques, vous devriez dire "ce qui me choque" car ça ne choque pas tout le monde !
Car le feu s'est éteint, les oiseaux se sont tus et Ceinwein est partie.
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Jacques
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Message par Jacques »

Hippocampe a écrit :Sauf votre respect, cher Jacques, vous devriez dire "ce qui me choque" car ça ne choque pas tout le monde !
J'ai cru comprendre que c'était Mickaël qui était choqué. Sinon il n'aurait pas posé la question. Klausinski trouve aussi que quelque chose ne va pas. La phrase a une allure insolite qui dérange plusieurs personnes, et à la réflexion je m'associe à ce sentiment..
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Hippocampe a écrit :À mes yeux, les comparaisons et les tropes enrichissent le français.
peut-être, mais la multiplication des glissements, calembours, approximations crée la confusion. Il suffit d'écouter le commun des mortels se montrer incapable de distinguer super de superbe, ou des citoyens un peu moins communs confondre aux termes de et en termes de pour se persuader que le discours devient confus, les idées relatives, la compréhension approximative, et que la rigueur et la précision semblent bannis de la sphère publique.
L'envahissement de la production écrite par les fautes d'orthographe me conforte dans mon impression.
C'est donc à un appauvrissement de l'expression que l'on assiste, et non, comme vous semblez le croire, à un enrichissement. Si l'on ajoute l'abus inconsidéré des superlatifs, on peut même parler de déliquescence de notre langue.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne peux, cher homonyme, que me déclarer d'accord sur toute la ligne avec ce triste constat.
Nous avons déjà discuté ici de la manie fort répandue de dire « en termes de » pour dans le domaine de, en ce qui concerne telle chose.
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Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Oui mais que faire ? S'interdire les tournures subtiles parce que les demi-instruits les utilisent n'importe comment ?
Car le feu s'est éteint, les oiseaux se sont tus et Ceinwein est partie.
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Jacques
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Message par Jacques »

S'interdire tout ce qui est fautif. Pour ce qui est des tournures subtiles, les utiliser à bon escient.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Les publicitaires jouent un rôle de premier plan dans ce brouillage sémantique : je viens d'entendre vanter les mérites d'un beurre pour lequel on a choisi le slogan « mais qu'est-ce qui fait que le beurre X a un goût si unique ? ». Est-ce que vous concevez qu'une chose puisse être plus ou moins unique ?
Nous sommes là au sommet de la perversion et de la relativisation linguistiques. Tout se vaut, même ce qui est unique perd sa valeur absolue et devient un qualificatif à géométrie variable.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Si unique me rappelle le plus total ; ces expressions prêteraient à rire si elles étaient accidentelles.

Concernant l'emploi du mot pinacle dans la phrase citée par Mickaël, je suis du même avis que Jacques et Klausinski.
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
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