Conduire à, jusqu'à ?

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Anne
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Conduire à, jusqu'à ?

Message par Anne »

En plein travail de correction d'un tapuscrit, je suis choquée par la tournure de la phrase suivante :
Il s’interrogea brièvement sur l’enchaînement de causes et d’effets qui avait conduit jusqu’à sa présence en ce lieu et à cet instant.

J'ai d'abord pensé qu'il pouvait manquer un COD au verbe conduire, mais apparemment, l'auteur emploie ce verbe dans un sens général, nul besoin de préciser qui l'enchaînement conduit. Une cause conduit (mène, aboutit) à une conséquence. Soit, mais dans ce cas, c'est le "jusqu'" qui me semble superflu, sans que j'arrive à trouver une raison de le trouver fautif grammaticalement.

Je vous serais reconnaissante de bien vouloir me donner votre avis là-dessus.
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Perkele
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Message par Perkele »

La présence de jusqu'à n'est pas indispensable, mais elle n'est pas non plus pléonastique. Ce me semble une façon d'insister, peut-être pas très élégante...

"La misère conduit au désespoir"
"La misère peut conduire jusqu'au désespoir" :?

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Dernière modification par Perkele le dim. 08 sept. 2013, 10:01, modifié 2 fois.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

On peut supposer que jusqu'à a été utilisé afin d'éviter la répétition de à.
Parmi les usages de jusqu'à, l'Académie donne ces exemples :
En insistant sur le caractère extraordinaire ou excessif de quelque chose. Il aime jusqu'à ses ennemis. Ils ont tué jusqu'aux enfants. Être ému jusqu'aux larmes. Il en fut affecté jusqu'à en être malade. Vous n'irez pas jusqu'à me refuser cela. Il n'est pas jusqu'à ses propres amis qu'il n'eût abusés grossièrement.
Pour ce qui me concerne, je considère que la phrase n'est pas choquante.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Anne
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Message par Anne »

Je vous remercie tous les deux.
Je pensais que ma confusion venait de l'heure tardive à laquelle je suis tombée sur cette phrase, mais elle continue de me gêner après une bonne nuit de sommeil, je ne sais toujours pas pourquoi.
Mais je vous fais confiance, et passe outre ma gêne.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je dois vous dire que j'ai d'abord hésité, et que ce jusqu'à me laissait indécis. Mais la définition de l'Académie a balayé mes scrupules.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Claude
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Message par Claude »

Si vous composiez quelque chose là-dessus, votre gêne disparaîtrait peut-être. Vous avez l'auteur, soyez compositeur et interprète !
Avatar : petit Gaulois agité (dixit Perkele)
cyrano
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Message par cyrano »

J'ai eu la même réaction que Perkele et Jacques: un moment d'hésitation, oui, mais pas vraiment de raison de refuser cet usage.
Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
Koutan
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Message par Koutan »

Bizarrement, je n'arrive pas à être gêné par la tournure de cette phrase, malgré les précisions d'Anne. J'ai perçu d'emblée le verbe "conduire" comme équivalant à "provoquer, produire", une certaine suite d'évènements donc, non rapportés, jusqu'à ceux décrits par la phrase, qui peuvent apparaître comme inattendus aux "yeux du réfléchisseur". C'est peut-être l'emploi de "conduire" qui est un peu métaphorique ?
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

J'arrive un peu tard, mais cette tournure ne me dérange pas.
L'emploi de jusqu'à dans ce contexte me suggère un enchaînement de causes et d'effets long ou tortueux (ou les deux) et un aboutissement qu'on ne pouvait pas prévoir au départ.
Je trouve que cette construction rejoint ce que dit l'Académie :
En insistant sur le caractère extraordinaire ou excessif de quelque chose.
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Une jeune présentatrice de la météo précise toujours : « Des Pyrénées en remontant jusqu'à l'Alsace » là où « des Pyrénées à l'Alsace » suffirait.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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