Ordre des compléments
- Jacques-André-Albert
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Ordre des compléments
J'entends ce matin une phrase dont la syntaxe revient souvent dans la bouche des journalistes : « Les maraîchers français veulent redonner toute la saveur qu'il mérite à ce fruit. »
Il me semble que le COD est trop long pour passer avant le COI. Il aurait fallu dire (le texte était préparé sur prompteur) : Les maraîchers français veulent redonner à ce fruit toute la saveur qu'il mérite.
Ce genre de phrase me gène à chaque fois que je l'entends.
Il me semble que le COD est trop long pour passer avant le COI. Il aurait fallu dire (le texte était préparé sur prompteur) : Les maraîchers français veulent redonner à ce fruit toute la saveur qu'il mérite.
Ce genre de phrase me gène à chaque fois que je l'entends.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
Je ne pense pas que ce soit une question de longueur, ou du moins pas exclusivement.
Une phrase comme :
J'ai donné l'intégralité de ma collection de disques noirs à ma sœur.
ne me gêne pas, même si, bien sûr, on peut aussi dire :
J'ai donné à ma sœur l'intégralité de ma collection de disques noirs.
La petite gêne qu'on éprouve dans la phrase que vous avez citée tient, je crois, à la rencontre d'un verbe "il mérite" et "d'une préposition "à (ce fruit)". L'oreille se demande alors un instant s'il s'agit-là d'une construction verbale, avant de s'apercevoir que ça n'a pas de sens et de reconstituer la logique grammaticale de la phrase.
Une phrase comme :
J'ai donné l'intégralité de ma collection de disques noirs à ma sœur.
ne me gêne pas, même si, bien sûr, on peut aussi dire :
J'ai donné à ma sœur l'intégralité de ma collection de disques noirs.
La petite gêne qu'on éprouve dans la phrase que vous avez citée tient, je crois, à la rencontre d'un verbe "il mérite" et "d'une préposition "à (ce fruit)". L'oreille se demande alors un instant s'il s'agit-là d'une construction verbale, avant de s'apercevoir que ça n'a pas de sens et de reconstituer la logique grammaticale de la phrase.
Dernière modification par Leclerc92 le jeu. 23 juin 2016, 8:36, modifié 1 fois.
- Claude
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- Localisation : Décédé le 24 août 2022. Humour et diplomatie. Il était notre archiviste en chef.
Il me semble que dans cette phrase de journaliste, si l'on exclut le contexte, rien ne dit que « il » s'applique au fruit ; elle pourrait être exprimée ainsi : « Les maraîchers français veulent redonner toute la saveur que mérite ce fruit ».
Leclerc, je n'avais pas vu votre commentaire.
Leclerc, je n'avais pas vu votre commentaire.
Avatar : petit Gaulois agité (dixit Perkele)
- Jacques-André-Albert
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L'exemple que j'ai donné est particulier, mais c'est bien sur l'ordre quasi exclusif COD-COI que je voulais insister. C'est une constante chez les journalistes, et la plupart du temps dans des textes préparés.Leclerc92 a écrit :Je ne pense pas que ce soit une question de longueur, ou du moins pas exclusivement.
Une phrase comme :
J'ai donné l'intégralité de ma collection de disques noirs à ma sœur.
ne me gêne pas, même si, bien sûr, on peut aussi dire :
J'ai donné à ma sœur l'intégralité de ma collection de disques noirs.
La petite gêne qu'on éprouve dans la phrase que vous avez citée tient, je crois, à la rencontre d'un verbe "il mérite" et "d'une proposition "à (ce fruit)". L'oreille se demande alors un instant s'il s'agit-là d'une construction verbale, avant de s'apercevoir que ça n'a pas de sens et de reconstituer la logique grammaticale de la phrase.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Le COD précède traditionnellement le COI. Je crois que vous avez expliqué, Leclerc92, en quoi consiste l'éventuelle gêne que l'on ressent à lire ou entendre « Les maraîchers français veulent redonner toute la saveur qu'il mérite à ce fruit ». Ladite gêne est très faible en ce qui me concerne.
(Petite digression : en allemand le complément d'objet second précède normalement le COD : Ich gebe meinem Sohn wenig Taschengeld, Je donne peu d'argent de poche à mon fils).
(Petite digression : en allemand le complément d'objet second précède normalement le COD : Ich gebe meinem Sohn wenig Taschengeld, Je donne peu d'argent de poche à mon fils).
- Jacques-André-Albert
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Il me semble que la longueur et la présence dans le COD d'une proposition relative imposent l'antéposition du COI.
Voir, dans ce forum, les exemples donnés :
C'est pour la même raison qu'après une légère hésitation j'ai formulé de la façon suivante un fragment de ma première phrase : « la présence dans le COD d'une proposition relative », et non « la présence d'une proposition relative dans le COD »
Voir, dans ce forum, les exemples donnés :
Je pense aussi que le complément placé en dernier est mis en valeur.L'ordre peut également dépendre de l'objet sur lequel le locuteur veut mettre l'accent, lequel se mettra en dernier.
Exemples :
Le client a commandé au vendeur une voiture de sport.
Le client a commandé au vendeur une voiture, une moto et une remorque.
Le client a commandé au vendeur une voiture qui ne consomme que 3 litres aux 100 km.
Le client a commandé une voiture au vendeur qui a une cravate rouge.
C'est pour la même raison qu'après une légère hésitation j'ai formulé de la façon suivante un fragment de ma première phrase : « la présence dans le COD d'une proposition relative », et non « la présence d'une proposition relative dans le COD »
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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- Jacques-André-Albert
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Tout dépend de la diction et de la ponctuation.
J'aurais dû écrire : « la présence, dans le COD, d'une proposition relative ». À la lecture, une courte pause à chaque virgule lève l’ambiguïté.
J'aurais dû écrire : « la présence, dans le COD, d'une proposition relative ». À la lecture, une courte pause à chaque virgule lève l’ambiguïté.
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(Montaigne - Essais, I, 24)
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Il est cependant bon de noter que, dans votre phrase, on n'a plus à faire au COD et au COI d'un verbe, mais à deux compléments du nom « présence » (l'un de lieu [« dans le COD »], l'autre de simple valeur qualificative [« d'une proposition relative »]), l'ensemble formé par ce nom et ses deux compléments étant lui-même sujet (avec « longueur ») du verbe « imposent » :Jacques-André-Albert a écrit :C'est pour la même raison qu'après une légère hésitation j'ai formulé de la façon suivante un fragment de ma première phrase : « la présence dans le COD d'une proposition relative », et non « la présence d'une proposition relative dans le COD »
Il me semble que la longueur et la présence dans le COD d'une proposition relative (groupe sujet) imposent (verbe) l'antéposition du COI (groupe COD).
- Astragal
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Il y a aussi une mise en valeur quand l'élément est placé au début, me semble-t-il.Jacques-André-Albert a écrit :Voir, dans ce forum, les exemples donnés :Je pense aussi que le complément placé en dernier est mis en valeur.L'ordre peut également dépendre de l'objet sur lequel le locuteur veut mettre l'accent, lequel se mettra en dernier.
Exemples :
Le client a commandé au vendeur une voiture de sport.
Le client a commandé au vendeur une voiture, une moto et une remorque.
Le client a commandé au vendeur une voiture qui ne consomme que 3 litres aux 100 km.
Le client a commandé une voiture au vendeur qui a une cravate rouge.
Par exemple, si j'écris « Aux enfants, le papi raconte de belles histoires. », il y a bien une mise en valeur de « Aux enfants ». Non ?
C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort. (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)
- Jacques-André-Albert
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Oui, bien sûr...Astragal a écrit :Il y a aussi une mise en valeur quand l'élément est placé au début, me semble-t-il.
Par exemple, si j'écris « Aux enfants, le papi raconte de belles histoires. », il y a bien une mise en valeur de « Aux enfants ». Non ?
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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- Jacques-André-Albert
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« Nous continuerons de frapper ceux qui nous attaquent sur notre propre sol dans leur repaire » dixit notre président. Je persiste à penser que l'ordre COD-COI est quasi exclusif dans la parole publique actuelle. À mon sens, il fallait placer, dans la phrase citée, « dans leur repaire » juste après le verbe.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Vous voulez dire, je suppose, le verbe frapper, pas le second verbe, attaquer :
« Nous continuerons de frapper dans leur repaire ceux qui nous attaquent sur notre propre sol. »
Je suis d'accord avec vous. C'est une évidence à l'écrit. C'est une maladresse que l'oral plus ou moins improvisé peut expliquer.
« Nous continuerons de frapper dans leur repaire ceux qui nous attaquent sur notre propre sol. »
Je suis d'accord avec vous. C'est une évidence à l'écrit. C'est une maladresse que l'oral plus ou moins improvisé peut expliquer.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Je suis du même avis que vous, JAA : il s'agit ici de placer le complément du verbe frapper à sa proximité immédiate.
La phrase du président comporte trois verbes. Chacun d'eux a un ou plusieurs compléments. Pour « continuerons » il s'agit du groupe infinitif « de frapper dans leur/s repaire/s ceux qui nous attaquent sur notre propre sol ». « Frapper » a un COD (« ceux qui nous attaquent sur notre propre sol ») et un complément circonstanciel de lieu (« dans leur repaire »). Quant à « attaquent », je lui vois un COD (« nous ») et un complément circonstanciel de lieu (« sur notre propre sol »).
On préférerait donc : Nous continuerons de frapper dans leurs repaires ceux qui nous attaquent sur notre propre sol. Mais c'était du langage parlé, qu'on peut rapporter par écrit en utilisant une virgule : Nous continuerons de frapper ceux qui nous attaquent sur notre propre sol, dans leur/s repaire/s. Toutefois, avec ou sans virgule, « dans leur/s repaires » procure un désagrément en fin de phrase.
Je vois à l'instant, Leclerc92, que nous disons à peu près la même chose.
La phrase du président comporte trois verbes. Chacun d'eux a un ou plusieurs compléments. Pour « continuerons » il s'agit du groupe infinitif « de frapper dans leur/s repaire/s ceux qui nous attaquent sur notre propre sol ». « Frapper » a un COD (« ceux qui nous attaquent sur notre propre sol ») et un complément circonstanciel de lieu (« dans leur repaire »). Quant à « attaquent », je lui vois un COD (« nous ») et un complément circonstanciel de lieu (« sur notre propre sol »).
On préférerait donc : Nous continuerons de frapper dans leurs repaires ceux qui nous attaquent sur notre propre sol. Mais c'était du langage parlé, qu'on peut rapporter par écrit en utilisant une virgule : Nous continuerons de frapper ceux qui nous attaquent sur notre propre sol, dans leur/s repaire/s. Toutefois, avec ou sans virgule, « dans leur/s repaires » procure un désagrément en fin de phrase.
Je vois à l'instant, Leclerc92, que nous disons à peu près la même chose.
Dernière modification par André (G., R.) le ven. 15 juil. 2016, 13:33, modifié 2 fois.
- Jacques-André-Albert
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