Indicatif ou subjonctif?

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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Alors je dois avoir été trop bien formé par mes maîtres, car en l'occurrence j'utilise toujours le subjonctif sans me poser de question ; les publicitaires de la moutarde n'ont apparemment pas non plus hésité.
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Jacques
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Message par Jacques »

Quand je dis « nous employons », c'est un collectif dans lequel je ne me sens pas forcément inclus. Je n'ai pas conscience de l'emploi auquel je donne la préférence. Peut-être les deux, peut-être plutôt le subjonctif. Dans un écrit, je n'envisagerais que le subjonctif. Mais je constate que l'usage courant ou familier va plus volontiers vers l'indicatif.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Mais je suis franc, et j'emploie le subjonctif dans ce cas.
De plus, il y a là l'expression d'une opinion : « il n'y a pas que les filles qui soient folles de lui ». Jacques, vous m'inquiétez ; ne me dites pas que, vous aussi, vous oubliez la nature et la valeur du subjonctif !
Je crois que je dois mettre les points sur les i en citant la formule publicitaire « il n'y a que Maille qui m'aille », et, mieux, en appelant à la rescousse les grands auteurs :
Aragon a écrit : Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
La Rochefoucauld a écrit :Il n’y a guère de gens qui ne soient honteux de s’être aimés quand ils ne s’aiment plus.
Sade a écrit :Il n’est aucune sorte de sensation qui soit plus vive que celle de la douleur; ses impressions sont sûres, elles ne trompent point comme celles du plaisir.
Boileau a écrit :De bonne foi, croyez-vous qu'il n'y en ait guère davantage dans Paris qui soient diffamées par leur mauvaise vie ?
Voltaire a écrit :il n'y en a pas un qui agisse par le motif du bien public, et qui même connaisse qu'il est un bien public.
Augustin Thierry a écrit :Il n'y avait que les pays où l'ancienne société ne put être balayée par la conquête et où le degré de barbarie était extrême chez les conquérants , qui fussent exclus de l'une et de l'autre de ces chances.
Hugo a écrit : il n'ya plus personne à Faverolles qui ait connu Jean Valjean
Dernière modification par Jacques-André-Albert le jeu. 24 mars 2011, 9:58, modifié 2 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je vous ai expliqué ci-dessus que je ne m'inclus pas dans le collectif nous.
Comme je l'ai expliqué, j'ai grandi dans un milieu que l'on qualifie de nos jours de « défavorisé ». Le langage était celui des faubourgs parisiens et des milieux populaires et pauvres. Je m'en suis affranchi en apprenant une autre langue, plus élaborée, plus soignée. Je garde encore en mémoire tout ce passé linguistique dont je me suis démarqué. Cet indicatif est une réminiscence de l'époque, un souvenir. Par ailleurs, j'entends encore autour de moi, chez les « Français moyens », des usages peu orthodoxes de tournures non académiques. Voilà l'histoire : je témoigne. Ce nous ce n'est pas forcément moi ; et j'ai bien dit que dans mes écrits je ne connais que le subjonctif. Pour l'oral, à brûle-pourpoint, je ne peux rien affirmer. Nous avons admis que l'on s'adapte à ses interlocuteurs, pour « ne pas avoir l'air de faire des manières ». Cela va-t-il jusqu'à cet emploi de l'indicatif ? je ne sais pas, je pense que non, mais qui sait ?
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groseille

Message par groseille »

Merci à tous pour vos précieuses réponses !
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Mon message, ci-dessus, m'a pris quelque temps pour le rédiger, mais je persiste et signe après vos deux réponses. Jacques, je ne crois pas que l'emploi du subjonctif dans ce cas soit ressenti par la plupart des gens comme relevant d'un langage précieux, et le serait-il, nous ne devons pas nous effacer devant la médiocrité langagière galopante.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne peux que confirmer : j'ai tenu, par deux fois, à m'exclure de la pratique populaire ; je témoigne de ce que j'entends, cela ne signifie pas que j'approuve ni que je fais la même chose. J'ai dit que je ne sais pas trop à quoi m'en tenir sur cette pratique, je ne peux rien affirmer d'autre. Mes contacts sont quelques personnes qui viennent chez moi ou que j'ai au téléphone, puisque je vis en réclusion depuis un quart de siècle. Le témoignage de Claude semble confirmer que l'indicatif est utilisé dans les usages courants.
Je tiens à me mettre, une fois de plus, en dehors de ce débat où je ne suis pas impliqué. Je n'ai pas à me mettre à la portée de grand monde puisque je ne vois quasiment personne. J'écris, je rédige, je corrige, et dans tout cela je m'efforce de respecter une langue académique.
J'ai écrit : Nous avons admis que l'on s'adapte à ses interlocuteurs, pour « ne pas avoir l'air de faire des manières ». Cela va-t-il jusqu'à cet emploi de l'indicatif ? je ne sais pas, je pense que non, mais qui sait ? Ce « nous avons admis », quelqu'un l'a écrit mais ce n'est pas moi. Et je restais dans le domaine des suppositions, de l'hypothèse non avérée.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Loin de moi l'idée de mettre en cause vos compétences linguistiques, Jacques. Mes remarques s'adressent bien sûr à tous les lecteurs de ce forum, et je voulais réaffirmer que le subjonctif est le mode de l'opinion, de l'intention, de ce qui peut être mis en cause ; il est déplorable que nombre de nos concitoyens ne le perçoivent plus, déplorable mais pas étonnant quand on parcourt d'autres forums où on voit que ce qui s'écrit n'est compris que globalement (j'ai lu tout récemment qu'un internaute essayait de se connecter « en vin » : je peux lui indiquer des adresses :wink: )
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Jacques-André-Albert a écrit :Mon message, ci-dessus, m'a pris quelque temps pour le rédiger, mais je persiste et signe après vos deux réponses. Jacques, je ne crois pas que l'emploi du subjonctif dans ce cas soit ressenti par la plupart des gens comme relevant d'un langage précieux, et le serait-il, nous ne devons pas nous effacer devant la médiocrité langagière galopante.
Enfin, vivez-vous dans ce monde ? Il ne s’agit pas de s’écraser. Il est extrêmement difficile, quand on fréquente des gens qui ne portent pas une grande attention à la manière dont ils s’expriment de ne pas commettre de temps à autre quelques balourdises. Du reste, il arrive que certaines règles paraissent évidentes pour quelques-uns et qu’elles ne le soient pas pour d’autres. C’est une affaire d’habitude et, disons, de veille, on passe notre temps à le répéter.
Il est peut-être plus facile pour ceux qui ont été élevés dans la pratique du bel usage de le respecter en toute circonstance. Pour moi, je m’identifie quelque peu à Jacques. J’ai été élevé au cœur de la cité, comme on dit. On s’est moqué de moi à chaque fois que je n’enjoignais pas à mes camarades, en termes peu soignés, d’avoir des relations incestueuses avec leur mère. Aujourd’hui, je m’efforce de m’exprimer le mieux du monde mais il arrive que je dérape, pour employer un mot bien à la mode. Que diable ! Nous ne sommes pas des machines. Il y a peu, je regardais une vidéo dans laquelle s’exprimait feu Maître Capello. En moins de trois minutes, alors qu’il pointait du doigt quelques « fautes impardonnables », il en a lui-même commis une belle, en employant le terme « évident » dans le sens de « facile ». Une autre fois, j’ai entendu Jean d’Ormesson dire que telle personne avait placé « la barre très haute ». On pourrait citer mille exemples et nous en reviendrons à la même conclusion : celui qui se prétend infaillible est un idiot. Vous avez raison, JAA, de vouloir que chacun fasse des efforts, je comprends votre étonnement quand Jacques, qui est un modèle de correction, dit qu’il est possible que… un jour, sans s’en rendre compte, il ait commis la faute d’employer l’indicatif à la place du subjonctif. Mais enfin, cela m’apparaît plutôt comme une belle preuve de franchise. C’est le contraire qui serait suspect. N’avez-vous vraiment jamais employé l’un pour l’autre ?
Dernière modification par Klausinski le mer. 24 oct. 2012, 17:11, modifié 1 fois.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Klausinski a écrit :Enfin, vivez-vous dans ce monde ? Il ne s’agit pas de s’écraser. Il est extrêmement difficile, quand on fréquente des gens qui ne portent pas une grande attention à la manière dont ils s’expriment de ne pas commettre de temps à autre quelques balourdises.
Je fréquente professionnellement le milieu campagnard où le beau langage ne subsiste qu'à l'état de souvenir d'école, et ne fait pas partie des préoccupations quotidiennes. J'emploie volontiers les mots et expressions qui ont cours autour de moi, mais je ne transige pas sur la correction grammaticale.
Il est peut-être plus facile pour ceux qui ont été élevés dans la pratique du bel usage de le respecter en toute circonstance. Pour moi, je m’identifie quelque peu à Jacques. J’ai été élevé au cœur de la cité, comme on dit. On s’est moqué de moi à chaque fois que je n’enjoignais pas à mes camarades, en termes peu soignés, d’avoir des relations incestueuses avec leur mère.
Je reconnais que j'ai été élevé dans une famille où on accordait une grande importance à l'école, où le dictionnaire était une référence depuis deux ou trois générations, où on s'efforçait de se distinguer des manières populaires, mais où paradoxalement l'ambition était absente.
J'ai peut-être eu aussi la chance d'avoir été formé dans une banlieue banale, au nord de Paris, à mi-chemin entre l'ouest huppé et la Seine-Saint-Denis, dans un lycée de bon niveau et à une époque où les enseignants étaient exigeants parce que respectés
Aujourd’hui, je m’efforce de m’exprimer le mieux du monde mais il arrive que je dérape, pour employer un mot bien à la mode. Que diable ! Nous ne sommes pas des machines.
Je suis loin de bien m'exprimer, surtout à l'oral, mais je ne laisse pas planer le doute dans mon esprit, je vérifie sans relâche
Il y a peu, je regardais une vidéo dans laquelle s’exprimait feu Maître Capello. En moins de trois minutes, alors qu’il pointait du doigt quelques « fautes impardonnables », il en a lui-même commis une belle, en employant le terme « évident » dans le sens de « facile ». Une autre fois, j’ai entendu Jean d’Ormesson dire que telle personne avait placé « la barre très haute ». On pourrait citer mille exemples et nous en reviendrons à la même conclusion : celui qui se prétend infaillible est un idiot. Vous avez raison, JAA, de vouloir que chacun fasse des efforts, je comprends vote étonnement quand Jacques, qui est un modèle de correction, dit qu’il est possible que… un jour, sans s’en rendre compte, il ait commis la faute d’employer l’indicatif à la place du subjonctif. Mais enfin, cela m’apparaît plutôt comme une belle preuve de franchise. C’est le contraire qui serait suspect. N’avez-vous vraiment jamais employé l’un pour l’autre ?
J'ai mal compris ce qu'avait écrit Jacques, je pensais qu'il n'accordait pas une grande importance au fait d'employer l'indicatif ou le subjonctif.
Quoi qu'il en soit, je suis très étonné qu'on veuille faire pencher la balance en ma défaveur. Il me semble que l'habitude, sur ce forum, est de chercher dans les ouvrages de référence pour étayer ses dires, et de rappeler les règles en vigueur pour défendre un français de qualité face aux nombreuses dérives.
Je veux bien qu'on me dise que beaucoup utilisent l'indicatif dans le cas qui à servi à ouvrir la discussion, mais je veux pouvoir dire que c'est fautif, du moins il me semble.
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Claude
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Message par Claude »

J'ai l'impression d'avoir été l'élément déclencheur avec mon mode indicatif et je le regrette. :oops: Si j'aurais su... :lol:
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Jacques
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Message par Jacques »

Il ne faudrait pas que ce débat tourne à la polémique ou à l'affrontement. Bien sûr, on a le droit de pointer un usage comme douteux. Ce n'est pas tout à fait mon avis, mais chacun de nous doit admettre que d'autres opinions, divergentes ou carrément opposées, se manifestent, sans que cela dégénère. C'est le principe du forum : échanges de points de vue pas forcément concordants. Klausinski et JAA, je vous aime bien tous les deux, vous faites partie des figures du forum, sans qui il ne serait pas ce qu'il est.
Nous constatons un usage populaire répandu, que l'un de nous au moins condamne, que les autres voient avec nuance.
Aucun de nous ne détient la vérité, et les spécialistes ne nous aident pas, d'autant qu'ils ne sont pas non plus toujours eux-mêmes d'accord entre eux.
Ne nous laissons pas emporter par la passion, qui est parfois vive quand il s'agit de défendre notre chère langue contre les mauvais usages.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Claude et Jacques, vous n’avez pas d’inquiétude à avoir. Je ne me suis pas mis en colère, et j’apprécie les interventions de JAA. Il semble simplement que deux malentendus se soient, en quelque sorte, superposés.

JAA, je vous présente toutes mes excuses. Mon message a peut-être paru engager une polémique. Ce n’était pas mon but. Je protestais vivement contre ce que je croyais vous voir sous-entendre. J’avais en effet l’impression que vous reprochiez à Jacques d’hésiter quelquefois entre les deux modes grammaticaux. Il n’avait certes pas dit que les deux étaient interchangeables, ce dont vous vous êtes rendu compte. Je ne dis pas non plus cela. Il y a une forme correcte et une qui ne l’est pas. Il faut, pour soi, veiller à employer la forme correcte, mais on n’y pense pas toujours.
Si certains autour de nous emploient un mode au lieu de celui qui convient, il n’est pas toujours aisé ni même opportun de le leur faire remarquer. À l’oral, je ne reprends généralement que les fautes que j’ai entendu commettre plusieurs fois par une même personne, et encore faut-il que j’entretienne avec cette personne une relation qui me permette de la reprendre sans qu’elle en prenne ombrage.
Dernière modification par Klausinski le sam. 05 janv. 2013, 17:31, modifié 3 fois.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

L'expression écrite est un ouvrage qu'il faut rectifier, poncer, polir pour obtenir la forme la plus compréhensible et la plus proche de ce qu'on veut exprimer. Les meilleurs auteurs donnent du grain à moudre aux exégètes et aux commentateurs. Ne nous étonnons donc pas que nos échanges butent quelquefois sur l'écueil de la mauvaise interprétation. Nous sommes entre gens de bonne foi, il suffit de reprendre nos propos et de les analyser avec rigueur, animés de la bienveillance qui prévaut sur ce forum.
Klausinski, vous êtes tout excusé.
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Jacques
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Message par Jacques »

Vous avez mis Sade dans vos citations. En faisant abstraction des idées, j'aimais l'élégance de son style. Le divin marquis s'exprimait dans un français de belle qualité. On finit même par oublier le fond si l'on s'attache à la forme.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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