« Empirement »

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Marco
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« Empirement »

Message par Marco »

C’est curieux : ce terme, dérivé naturel d’empirer avec -ment comme il y en a tant d’autres (allonger > allongement, loger > logement, éreinter > éreintement, etc.), n’est présent que dans le Littré en ligne (le TLFi ne le mentionne que dans une seule citation). Pourquoi priver un verbe de son substantif ? Qu’a-t-il d’étrange ? :roll:
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Jacques
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Message par Jacques »

Le mot existe depuis le milieu du XIIe siècle. Il est signalé par le Dictionnaire historique comme étant d'un emploi rare. C'est l'usage qui l'a donc boudé, peut-être à cause de sa bizarrerie. On a l'impression, si on l'utilise, qu'on passera pour quelqu'un qui connaît mal son français et recourt à un barbarisme. La pratique préfère aggravation. Il est bel et bien dans le Littré, sans commentaire particulier.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Marco
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Message par Marco »

Et bien, je suggère qu’on le remette au goût du jour, car il est bien commode et je ne lui trouve rien de bizarre. :)
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Jacques
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Message par Jacques »

Je vous prends au mot, je le placerai dès que j'en aurai l'occasion.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Martine
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Message par Martine »

Cela me fait penser à l'expression "C'est moins pire" que l'on entend si souvent et qui me fait franchement mal.

Mais pour revenir sur "empirement" : existe-t-il une différence par rapport à "aggravation"? (que je dois toujour vérifier, je n'arrive pas à intégrer le double g...)
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Marco
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Message par Marco »

Voyez ce que dit Littré :

EMPIREMENT
Action d'empirer ; résultat de cette action.

AGGRAVATION
Terme de droit. Augmentation de peine ; ce qu’on ajoute à une condamnation.
En termes de médecine, augmentation. Il y a aggravation. L’aggravation du mal, des symptômes.


Et l’Académie (sens 1) :

AGGRAVATION
1. Le fait de rendre ou de devenir plus grave ; l’état qui en résulte. Le médecin a constaté l’aggravation du mal. Cette mesure a eu pour effet une aggravation de la tension sociale.


Un des exemples d’auteur de Littré est le suivant :

On ne peut nier que ce qui nous peut faire vivre heureusement ne soit bon ; car il n’est point susceptible d’empirement, MALH. Lexique, éd. L. Lalanne.

Je ne verrais pas aggravation dans cette phrase (ni dans aucune des autres citations de Littré).
Brazilian dude
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Message par Brazilian dude »

Et il a l'avantage d'être bien proche de l'espagnol empeoramiento, de l'italien peggioramento et du catalan pitjorament. :)
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Jacques
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Message par Jacques »

De ce que vous exposez, Marco, il semble que le langage courant se soit emparé du mot aggravation pour le sortir des domaines juridique et médical et en faire un passe-partout désignant de façon très générale toute situation qui évolue défavorablement ou se détériore, alors qu'il se démarque nettement d'empirement avec ses deux sens bien spécialisés. Il est temps pour nous de rétablir le bon ordre.
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Jacques
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Message par Jacques »

Martine a écrit :Cela me fait penser à l'expression "C'est moins pire" que l'on entend si souvent et qui me fait franchement mal.
Plus pire, qu'on entend aussi, hélas ! ne marquerait-il pas une étape supplémentaire dans l'absurdité ?
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Marco
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Message par Marco »

Jacques a écrit :De ce que vous exposez, Marco, il semble que le langage courant se soit emparé du mot aggravation pour le sortir des domaines juridique et médical et en faire un passe-partout désignant de façon très générale toute situation qui évolue défavorablement ou se détériore, alors qu'il se démarque nettement d'empirement avec ses deux sens bien spécialisés. Il est temps pour nous de rétablir le bon ordre.
Oui, Jacques, il est temps ! :)
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Perkele
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Message par Perkele »

Marco a écrit :Et bien, je suggère qu’on le remette au goût du jour, car il est bien commode et je ne lui trouve rien de bizarre. :)
Je suis bien d'accord ! :D

Il a peut-être été boudé pour ne pas augmenter la confusion qui existe déjà entre :
1/ EMPIRE - EMPEREUR (imperium)
2/ EMPIRIQUE - EMPIRISME - EMPIRIQUEMENT (issu de l'expérience)
3/ EMPIRER (impejorare)
4/ EMPYRÉE (embrasé)

J'ai souvent entendu attribuer à "empirique" le sens de "imposé"... :?

Mais j'adopte ! :D
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Pour rester dans le domaine des confusions lexicales, essayez donc de demander aux gens que vous connaissez quel est le sens du mot prieur et d'où il vient. Demandez-leur aussi quel est le sens de l'adjectif morbide, qu'on entend toujours utiliser à tort avec l'acception de macabre.
Nous pourrions peut-être jouer les Sherlock Holmes de la langue en essayant de trouver d'autres termes qui font l'objet d'utilisations totalement erronées.
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Anne
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Message par Anne »

Jacques, MERCI ! :D
Je ne connaissais pas le véritable sens de "morbide", ou plutôt les véritables sens, puisque le TLF en mentionne deux.
Le sentiment de ne pas avoir perdu ma journée me remplit de joie.

Il y a aussi l'adjectif "glauque". Si vous dites à quelqu'un qu'il a les yeux glauques, dans la plupart des cas il se vexera, à tort, car c'est une très jolie couleur pour des yeux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je l'avais oublié, celui-là ! Quand on dit d'une personne qu'elle a des yeux glauques, il me semble que c'est plutôt flatteur. Quel beau regard, n'est-ce pas ?
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Anne
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Message par Anne »

Oui. Et si cette personne a en plus une peau à l'aspect morbide, quelle Vénus nous avons là !
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