Oui, il est d'ailleurs curieux que Littré soit apparemment le seul à relever cette construction et l'assortir d'exemples. Ni la dernière édition du dictionnaire de l'Académie ni le TLFi n'en font mention, ce qui est étonnant pour une construction très vivante.
Dupré (
l'Encyclopédie du bon français) confirme Littré.
Il est possible que sous l'influence de certaines constructions du verbe "voir" ou de "pouvoir", certains aient cru pouvoir construire directement "prévoir" suivi de l'infinitif sans "de". Cette tournure se rencontre effectivement assez souvent, et pas seulement aujourd'hui :
1870 :
Il vaut donc mieux n'aborder que des ouvrages dont la direction prévoit venir à bout, afin de ne point indisposer le public.
À noter qu'il ne faut pas confondre cette construction avec une autre, obsolète, qui ressemble plus à une subordonnée infinitive et où le "de" semblerait bien ne pas convenir :
J'escris bien amplement à sa majesté l'inconveniant que je prévois venir en ces terres , pour estre joignant l'Espagne [...]
[...]pour éviter les grands inconveniens que aultrement je prévois venir[...]
Si vous ne remédiés promptement à la trêve, je prévois venir la totale ruine de ce pais[...]
je ne puis m'empêcher de regretter devant Dieu le péril que courent les âmes, péril que je prévois venir certainement[...]
En tout cas, il est bien dommage que l'Académie n'ait pas profité de l'occasion pour se prononcer sur la construction de "prévoir".