Affronter - confronter
Affronter - confronter
Bonjour à tous.
Je viens d'entendre un homme politique jadis de premier plan dire, au sujet de la disparition de Marc Blondel : « Oui, j'ai eu l'occasion de m'affronter à lui...» Je trouve navrant que cette confusion avec "confronter", que l'on entend souvent sur les ondes, se propage maintenant à tous les niveaux !
Je viens d'entendre un homme politique jadis de premier plan dire, au sujet de la disparition de Marc Blondel : « Oui, j'ai eu l'occasion de m'affronter à lui...» Je trouve navrant que cette confusion avec "confronter", que l'on entend souvent sur les ondes, se propage maintenant à tous les niveaux !
- Klausinski
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Contrairement à l'Académie, le TLFi relève un emploi analogue :
S'affronter à (except. avec) qqc. Se mettre face à, se heurter à qqc. qui est ou paraît être dangereux ou difficile :
Cependant, il y a une différence notable avec l'exemple que vous citez. On peut, selon le TLF, s'affronter à quelque chose, mais il n'est pas question de s'affronter à une personne.
Pour moi, la tournure donnée en exemple par le TLFi est elle-même à employer avec une grande précaution, peut-être dans le contexte d'un essai, quand aucun autre terme ne traduirait aussi bien la même idée. Votre homme politique a, quant à lui, commis une maladresse d'expression.
S'affronter à (except. avec) qqc. Se mettre face à, se heurter à qqc. qui est ou paraît être dangereux ou difficile :
Cependant, il y a une différence notable avec l'exemple que vous citez. On peut, selon le TLF, s'affronter à quelque chose, mais il n'est pas question de s'affronter à une personne.
Pour moi, la tournure donnée en exemple par le TLFi est elle-même à employer avec une grande précaution, peut-être dans le contexte d'un essai, quand aucun autre terme ne traduirait aussi bien la même idée. Votre homme politique a, quant à lui, commis une maladresse d'expression.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- Jacques
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Cet emploi pronominal me surprend. On affronte quelqu'un, mais s'affronter à n'est pas dans le Petit Robert, qui envisage l'emploi pronominal réciproque : les combattants s'affrontent.
L'homme politique aurait dû dire : « J'ai eu l'occasion de l'affronter ». Le Hachette parle bien de pronominal réciproque, alors que Littré, selon moi, commet une bourde avec ceci : S'affronter, v. réfl. Si vous voyez deux chiens qui s'aboient, qui s'affrontent, qui se mordent.... LA BRUY. 12. car c'est bel et bien réciproque et non réfléchi qu'il aurait dû écrire.
Je me demande si l'homme que vous citez n'aurait pas été influencé par se frotter à.
L'homme politique aurait dû dire : « J'ai eu l'occasion de l'affronter ». Le Hachette parle bien de pronominal réciproque, alors que Littré, selon moi, commet une bourde avec ceci : S'affronter, v. réfl. Si vous voyez deux chiens qui s'aboient, qui s'affrontent, qui se mordent.... LA BRUY. 12. car c'est bel et bien réciproque et non réfléchi qu'il aurait dû écrire.
Je me demande si l'homme que vous citez n'aurait pas été influencé par se frotter à.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
-
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- Ernest de la Coquecigrue
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S'affronter en emploi pronominal réfléchi est mentionné dans le Grand Robert 2013 :
- Réfl. S'affronter à (qqch.), se heurter. S'affronter à un obstacle, à une résistance. S'affronter avec un adversaire, à un adversaire.
- Jacques
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Hanse signale aussi : s'affronter à quelqu'un. J'ai du mal à accepter cet emploi. Grevisse ne développe rien à propos du verbe affronter. Le Larousse des difficultés non plus. Les spécialistes n'ont donc pas l'air d'être tous d'accord.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
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Le Robert et le TLFi signalent chacun « s'affronter à quelque chose ». Hanse signale vraiment « s'affronter à quelqu'un » ? Cela est curieux.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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- Ernest de la Coquecigrue
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Une recherche sur Google Livres donne d'assez nombreux résultats, même en la limitant à une expression figée (faute de pouvoir exprimer correctement nos critères) : "s'affronter à lui".
On retrouve ainsi cet emploi jusque chez Brantôme (XVIᵉ siècle) : [...] et apprendroit à ce jeune nouveau capitaine, le marquis de Pescayre, à tourner au baston et de s'affronter à luy.
On retrouve ainsi cet emploi jusque chez Brantôme (XVIᵉ siècle) : [...] et apprendroit à ce jeune nouveau capitaine, le marquis de Pescayre, à tourner au baston et de s'affronter à luy.
Dernière modification par Ernest de la Coquecigrue le mar. 18 mars 2014, 13:44, modifié 2 fois.
- Jacques
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Voici sa définition :Klausinski a écrit : Hanse signale vraiment « s'affronter à quelqu'un » ? Cela est curieux.
Affronter qqn est vieilli, mais reste vivant dans des français régionaux dans le sens de « lui faire un affront ». Mais on affronte un adversaire (on le brave), un danger. On est affronté à qqch ; à un problème. On s'affronte à qqch. Deux partis, deux thèses s'affrontent. Ils se sont affrontés.
J'avais donc mal lu l'abréviation.
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- Jacques
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Je partage votre avis, parce que, comme je le dis plus haut, j'ai du mal à accepter que le verbe affronter prenne cette forme.Koutan a écrit :Le verbe confronter n'est-il pas justement là pour servir à cet emploi pronominal réfléchi ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
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D'après nos recherches, on pourrait donc conclure que l'expression est relativement rare, qu'elle est admise pour une chose, que son emploi pour une personne n'est pas noté dans les dictionnaires consultés mais qu'il est assez fréquent dans les livres du XXe siècle.
Le trouvez-vous dans d'autres textes entre le XVIe et le XXe siècle ? Pour ma part, j'en ai trouvé que très peu d'exemples. J'ai tendance à penser que la tournure est archaïque, c'est-à-dire qu'elle était employée en moyen français mais très peu voire pas du tout après cela et qu'elle a ressuscité au XXe siècle à la faveur d'une confusion entre « se confronter à quelqu'un » et « affronter quelqu'un ».Ernest de la Coquecigrue a écrit :On retrouve ainsi cet emploi jusque chez Brantôme (XVIᵉ siècle)
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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- Ernest de la Coquecigrue
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J'ai aussi du mal à trouver cet emploi en restreignant la recherche aux ouvrages antérieurs au XXᵉ siècle. Les difficultés liées à l'expression des critères (emploi pronominal réfléchi avec un complément représentant une personne) rendent malheureusement les résultats de cette recherche assez peu fiables ; cependant, votre hypothèse est effectivement très plausible.Klausinski a écrit :Le trouvez-vous dans d'autres textes entre le XVIe et le XXe siècle ? Pour ma part, j'en ai trouvé que très peu d'exemples. J'ai tendance à penser que la tournure est archaïque, c'est-à-dire qu'elle était employée en moyen français mais très peu voire pas du tout après cela et qu'elle a ressuscité au XXe siècle à la faveur d'une confusion entre « se confronter à quelqu'un » et « affronter quelqu'un ».