Affronter - confronter

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Koutan
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Affronter - confronter

Message par Koutan »

Bonjour à tous.
Je viens d'entendre un homme politique jadis de premier plan dire, au sujet de la disparition de Marc Blondel : « Oui, j'ai eu l'occasion de m'affronter à lui...» Je trouve navrant que cette confusion avec "confronter", que l'on entend souvent sur les ondes, se propage maintenant à tous les niveaux !
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Contrairement à l'Académie, le TLFi relève un emploi analogue :
S'affronter à (except. avec) qqc. Se mettre face à, se heurter à qqc. qui est ou paraît être dangereux ou difficile :
Cependant, il y a une différence notable avec l'exemple que vous citez. On peut, selon le TLF, s'affronter à quelque chose, mais il n'est pas question de s'affronter à une personne.
Pour moi, la tournure donnée en exemple par le TLFi est elle-même à employer avec une grande précaution, peut-être dans le contexte d'un essai, quand aucun autre terme ne traduirait aussi bien la même idée. Votre homme politique a, quant à lui, commis une maladresse d'expression.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Jacques
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Message par Jacques »

Cet emploi pronominal me surprend. On affronte quelqu'un, mais s'affronter à n'est pas dans le Petit Robert, qui envisage l'emploi pronominal réciproque : les combattants s'affrontent.
L'homme politique aurait dû dire : « J'ai eu l'occasion de l'affronter ». Le Hachette parle bien de pronominal réciproque, alors que Littré, selon moi, commet une bourde avec ceci : S'affronter, v. réfl. Si vous voyez deux chiens qui s'aboient, qui s'affrontent, qui se mordent.... LA BRUY. 12. car c'est bel et bien réciproque et non réfléchi qu'il aurait dû écrire.
Je me demande si l'homme que vous citez n'aurait pas été influencé par se frotter à.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Il m'arrive aussi d'oublier que les verbes pronominaux peuvent être soit réciproques, soit réfléchis. Vous avez raison de rappeler cette distinction. La confusion vient éventuellement aussi du pronom que l'on dit réfléchi dans un cas comme dans l'autre.
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Ernest de la Coquecigrue
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Message par Ernest de la Coquecigrue »

S'affronter en emploi pronominal réfléchi est mentionné dans le Grand Robert 2013 :
  • Réfl. S'affronter à (qqch.), se heurter. S'affronter à un obstacle, à une résistance. S'affronter avec un adversaire, à un adversaire.
Est-ce vraiment le sens que voulait exprimer l'homme politique dont il est question au début de ce sujet ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Hanse signale aussi : s'affronter à quelqu'un. J'ai du mal à accepter cet emploi. Grevisse ne développe rien à propos du verbe affronter. Le Larousse des difficultés non plus. Les spécialistes n'ont donc pas l'air d'être tous d'accord.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Le Robert et le TLFi signalent chacun « s'affronter à quelque chose ». Hanse signale vraiment « s'affronter à quelqu'un » ? Cela est curieux.
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Ernest de la Coquecigrue
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Message par Ernest de la Coquecigrue »

Une recherche sur Google Livres donne d'assez nombreux résultats, même en la limitant à une expression figée (faute de pouvoir exprimer correctement nos critères) : "s'affronter à lui".

On retrouve ainsi cet emploi jusque chez Brantôme (XVIᵉ siècle) : [...] et apprendroit à ce jeune nouveau capitaine, le marquis de Pescayre, à tourner au baston et de s'affronter à luy.
Dernière modification par Ernest de la Coquecigrue le mar. 18 mars 2014, 13:44, modifié 2 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

Klausinski a écrit : Hanse signale vraiment « s'affronter à quelqu'un » ? Cela est curieux.
Voici sa définition :
Affronter qqn est vieilli, mais reste vivant dans des français régionaux dans le sens de « lui faire un affront ». Mais on affronte un adversaire (on le brave), un danger. On est affronté à qqch ; à un problème. On s'affronte à qqch. Deux partis, deux thèses s'affrontent. Ils se sont affrontés.
J'avais donc mal lu l'abréviation.
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Koutan
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Message par Koutan »

Le verbe confronter n'est-il pas justement là pour servir à cet emploi pronominal réfléchi ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Koutan a écrit :Le verbe confronter n'est-il pas justement là pour servir à cet emploi pronominal réfléchi ?
Je partage votre avis, parce que, comme je le dis plus haut, j'ai du mal à accepter que le verbe affronter prenne cette forme.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

D'après nos recherches, on pourrait donc conclure que l'expression est relativement rare, qu'elle est admise pour une chose, que son emploi pour une personne n'est pas noté dans les dictionnaires consultés mais qu'il est assez fréquent dans les livres du XXe siècle.
Ernest de la Coquecigrue a écrit :On retrouve ainsi cet emploi jusque chez Brantôme (XVIᵉ siècle)
Le trouvez-vous dans d'autres textes entre le XVIe et le XXe siècle ? Pour ma part, j'en ai trouvé que très peu d'exemples. J'ai tendance à penser que la tournure est archaïque, c'est-à-dire qu'elle était employée en moyen français mais très peu voire pas du tout après cela et qu'elle a ressuscité au XXe siècle à la faveur d'une confusion entre « se confronter à quelqu'un » et « affronter quelqu'un ».
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
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Ernest de la Coquecigrue
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Message par Ernest de la Coquecigrue »

Klausinski a écrit :Le trouvez-vous dans d'autres textes entre le XVIe et le XXe siècle ? Pour ma part, j'en ai trouvé que très peu d'exemples. J'ai tendance à penser que la tournure est archaïque, c'est-à-dire qu'elle était employée en moyen français mais très peu voire pas du tout après cela et qu'elle a ressuscité au XXe siècle à la faveur d'une confusion entre « se confronter à quelqu'un » et « affronter quelqu'un ».
J'ai aussi du mal à trouver cet emploi en restreignant la recherche aux ouvrages antérieurs au XXᵉ siècle. Les difficultés liées à l'expression des critères (emploi pronominal réfléchi avec un complément représentant une personne) rendent malheureusement les résultats de cette recherche assez peu fiables ; cependant, votre hypothèse est effectivement très plausible.
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