Ne... que...

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Claude
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Message par Claude »

Hélas ! J'ai déjà donné un des deux exemplaires supplémentaires. :cry:
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Oh, l'affaire se corse ! J'ai donc cru utile de prendre contact avec Sherlock Holmes, qui se penche déjà sur cette disparition imprévue. À suivre.
(Dr Watson) :rire5: :rire5: :rire5:
Quantum mutatus ab illo
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

:lol:
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Leclerc92
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Re: NE... QUE...

Message par Leclerc92 »

Il y a la nuit des lutins qui doivent ranger ma bibliothèque car j'ai maintenant retrouvé mon exemplaire DLF 259 à l'endroit où je l'avais d'abord cherché sans le trouver !

Je remets en mémoire l'intéressante observation d'André :
André (G., R.) a écrit :J'ai quelques scrupules à manifester mon scepticisme à l'égard d'une phrase lue dans la revue Défense de la langue française : Il convient de signaler que l'on n'emploie le nom masculin bétail qu'au singulier et le nom masculin bestiaux uniquement au pluriel. Pourtant je ne pense pas que l'on doive faire comme si la négation n'... qu'..., qui accompagne le verbe employer, pouvait être oubliée lorsqu'on fournit son deuxième COD « le nom masculin bestiaux ».
Je n'ai pas d'opinion parfaitement mûrie sur la question. Voici des premiers éléments de réflexion pour la suite de la discussion.

La question ne me paraît pas concerner seulement NE...QUE, mais un type de construction beaucoup plus général. Question illustrée d'ailleurs par ma phrase précédente, où le premier verbe est à la négative ("ne paraît pas") et est repris de manière elliptique mais positive dans la seconde partie de phrase ("mais elle paraît concerner").

Je crois que ces constructions qui peuvent choquer notre soif de logique absolue sont pourtant usuelles en français.
Il ne vient pas de Londres, mais de Berlin.
Il n'est pas anglais, mais allemand.
Il n'aime pas le thé, mais seulement la bière

Est-ce que ces phrases sont incorrectes ? Je ne le crois pas. L'ellipse rétablit dans la seconde partie le verbe dans sa forme positive.

Voyons dans les livres publiés jusqu'au XIXe siècle quelques exemples de tournures de ce type :
-Les Princes ne sont pas à craindre lorsqu'on ne fait que de bonnes actions , mais seulement lorsqu'on en fait de mauvaises.
-l'article ne dit pas que le Donataire sera en possession, mais seulement qu'il prendra possession.
-Je trouve à tout cela un air de tyrannie et d'intrigue qui m'a donné de l'humeur, et je ne l'ai peut-être que trop exhalée , mais seulement avec votre ami et le mien.
-De la Hire, le fils, a observé que dans les adultes l'os de la dent ne croît point, non plus que les autres os, mais seulement l'émail.
-mais nous sçavons pareillement que vous ne voulez ni ne devez pas vouloir tout ce que vous pouvez, mais uniquement ce qui est juste.
-L'accusé ni ses conseils ne peuvent plut plaider que le fait est faux, mais seulement qu'il n'est pas défendu ou qu'il n'est pas qualifié crime par la loi,
-Ceux qui les causoient ne souhaitoient pas que la République n'existât plus, mais seulement de s'y voir les maîtres.
-l'Ecriture ne dit point que Nabucodonosor pleura & gémit; mais seulement qu'il leva ses yeux au ciel pour reconnoître la souveraineté de Dieu.


Est-on d'accord jusque-là ? Il reste qu'il y a entre ces phrases qui me semblent tout à fait correctes et celle soumise à notre examen quelques différences qui ne sont peut-être pas à négliger, comme la présence du "mais", qui oppose, alors que la phrase litigieuse contient "et", qui unit.

Voici pourtant d'autres exemples, avec "et" :
-on semble ne vouloir que des tableaux, et uniquement ce qu'il faut de dialogue pour les expliquer.
-la loi du 19 juillet 179 ne dispose que pour l'avenir, et uniquement par rapport aux auteurs encore propriétaires de leurs ouvrages.
- il est évident que cette disposition ne statue que pour l'avenir, et uniquement à l'égard des femmes mariées depuis la publication du Code
.

À supposer ces exemples corrects (ce que je crois), sommes-nous ici tout à fait dans le cas de la phrase litigieuse ? Pas encore, mais je préfèrerais avoir l'avis de mes collègues avant de m'engager plus loin, au cas où je ferais déjà fausse route.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Il me semble que la phrase rapportée par André est grammaticalement correcte, à la lumière de celles que vous citez, Leclerc92. On peut la voir aussi comme présentant le souci de ne pas répéter la formule avec la négation ne... que en la remplaçant par uniquement.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Merci de votre avis, Jacques-André-Albert. De fait, le souci du style peut souvent entraîner des entorses à la logique pure. La question n'est pas nouvelle et on peut lire ce qu'en pensait Bescherelle en 1834 :
Ces citations suffisent sans doute pour faire sentir le peu d'exactitude de la règle donnée par les grammairiens sur l'emploi de mais, et par laquelle ils veulent que toutes les fois que le premier membre d'une phrase est affirmatif et le second négatif, et réciproquement, le verbe se répète après mais.

Cette règle qui, ainsi que le fait judicieusement observer M. Lemare, nécessiterait souvent des répétitions fastidieuses et entraverait la marche du style, est contraire à l'usage de nos grands écrivains, qui ont répété, selon leur goût, ou supprimé le verbe après mais.
https://books.google.fr/books?id=i7RHAQ ... &q&f=false

Si cette ellipse est maintenant, semble-t-il, universellement admise pour le cas des propositions liées par mais, l'est-elle pour les propositions liées par et ? Doit-on écrire comme Girault-Duvivier en 1814 dans sa Grammaire des grammaires , donnant l'avis des anciens grammairiens:
Lorsque dans une proposition l'un des deux membres est affirmatif, et l'autre négatif, on doit répéter le verbe, et ce seroit, d'après l'avis de Beauzée (Encycl. méth., au mot répétition); et de Dumarsais (p. 217, 1.1 ), une incorrection, une Ellipse irrégulière que de s'en dispenser.

Lors donc que Corneille à dit : L'amour n'est qu'un plaisir, et l'honneur un devoir, il a fait ce que l'on appelle une Ellipse irrégulière, et il eut évité cette incorrection s'il eut dit : L'amour n'est qu'un plaisir, l'honneur est un devoir.
https://books.google.fr/books?id=UshDAA ... &q&f=false
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Si je condense légèrement la phrase d'origine (On n'emploie les noms masculins bétail et bestiaux qu'à un nombre), j'ai l'impression de prouver que bestiaux est bien COD d'employer fourni et non d'un autre verbe employer sous-entendu, à la différence de ce qui se passe pour Il ne vient pas de Londres, mais de Berlin, une phrase dont on explique et complète facilement la fin en répétant le verbe (Il ne vient pas de Londres, mais il vient de Berlin).
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Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Bien sûr que dans la phrase d'origine, "bestiaux" est bien COD de "emploie", mais cet "emploie" est celui, invisible, qui caractérise l'ellipse :
l'on n'emploie le nom masculin bétail qu'au singulier et (l'on emploie) le nom masculin bestiaux uniquement au pluriel.

L'ellipse est de même nature que dans :
Il n'aime pas le thé, mais seulement la bière
ou
on semble ne vouloir que des tableaux, et uniquement ce qu'il faut de dialogue pour les expliquer.
Cette ellipse aurait déplu à Beauzée il y a deux siècles et demi. Déplaît-elle encore ?
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